Je vais tenter une explication de ma perception des choses… Ce n’est que mon analyse propre, bien entendu. Attention : c’est long et peu formalisé.
La question de savoir s'il existe ou non un jeu est dépassée : il existe "nécessairement" un jeu, puisqu'Ash y joue. Mais n'est-ce pas l'existence entière qui est ici un jeu ?
Le monde d'origine, là où seuls les chiens bougent dans le métro, où que la lumière oscille entre le gris/noir et le jaunâtre passé, où Ash ne mange pas, où son ami - d'une classe de jeu inférieure - s'empiffre en boulimique, où les livres sont remplis de pages blanches, où des hommes sont "non revenus" - ce monde si réel pour Ash est une illusion.
Cette illusion donne naissance à une "illusion dans l'illusion", le jeu d'Avalon à proprement parler, qui - lui - comporte des règles précises, une logique propre (qui semble faire défaut au monde "d'origine").
Le monde "réel" d'origine, n'est le plus "réel" que dans la mesure où Ash « croît » en sa réalité – que sa conscience « l’interprète » comme tel.
Commence alors une quête, dans le jeu « Avalon », où elle « prend un rôle » et progresse dans « différentes classes ». Jusqu’au moment où se trouve un point de rupture : la possibilité d’atteindre « la Connaissance ».
Mais, pour ce faire, pour « passer dans la classe supérieur », elle doit accomplir une tâche spécifique, qui signifiera l’accès à un autre plan : l’affrontement de la citadelle, par l’aide du « Bishop », qui la conseillera, et la destruction de « l’Ombre » (le « Ghost », la petite fille) qui n’apparaît que lorsque le Bishop est présent. Il s’agit donc d’une épreuve à réussir.
Si elle la réussit, elle se retrouve dans le « module expérimental », qui semble le plus réel entre « le monde d’origine » et « le jeu Avalon », mais qui, pourtant, sera lui aussi un jeu (le plus abouti), comme on le voit lorsque Ash tue son ancien allié.
Symboliquement parlant, toute l’existence est un jeu, du monde d’origine (en jaunâtre et noir) jusqu’au « module expérimental » - un jeu dont le but réel est la découverte soi-conscience, par la destruction du « faux-soi » (l’Ombre ou Ghost, en anglais : le « fantôme »).
La réalité d’un des plans n’est que fonction de la manière dont la conscience appréhendra ces plans d’existence.
Le Bishop, principe initiateur (quelque part le « Maître » de Ash), apparaît lorsque celle-ci prend connaissance de la possibilité d’un « autre plan » (la Classe Spéciale A), par l’intermédiaire de son ami, symbolisant la vanité (il s’empiffre comme pas deux, car, pour lui, le seul monde réel est le monde d’origine). Ash, quant à elle, ne mange pas, puisqu’elle commence à s’éveiller au fait que ces besoins d’intégrité existentielle (se nourrir, le plaisir de la nourriture) ne sont qu’apparents. D’ailleurs, les couleurs « noir / jaunâtre » sont éloquentes : le monde d’origine et le jeu Avalon ne sont pas « réels » pour Ash, car elle recherche encore « quelque chose » (la Vérité que lui apportera le Bishop).
Cependant, elle a encore une attache dans le monde réel, qui la maintient dans le plan réel : son chien. La nourriture qu’elle prépare pour lui est en couleurs car c’est son dernier plan d’ancrage : il s’agit de l’extériorisation de sa nature animale inhérente inconsciente qui est symbolisée. Il y a là une dualité entre sa nature « spirituelle » essentielle (sa quête qui s’amorce, son besoin de réponses face à la vanité du monde) et sa nature « humaine » (ou animale : la nécessité d’exister).
Le chien disparaît miraculeusement, d’ailleurs, peu avant que le Bishop vienne lui rendre visite (ou peu après, je ne me souviens plus exactement ?). Car le Bishop va l’initier à la réalité, à ce qui existe ou pas.
Ash va donc se couper de sa nature « humaine / animale » (le chien disparaît).
Pourtant, rien n’est encore jouer : elle est initiée, certes, mais il lui reste tout le boulot à faire ! C’est là que se déroule l’épisode de la citadelle et de la tentative de détruire son « ghost » / ombre (la petite fille). Notez qu’elle fera appel à sa capacité de réception poussée à son paroxisme pour retrouver sa trace, lorsqu’elle la perd dans les couloirs (elle fait appel quasimment à son « intuition »).
Son ami le boulimique meurt car il n’est « pas prêt » à aller plus loin (attachement au « monde réel », symbolisée par la boulimie).
Maintenant qu’elle est dans le « module expérimental », elle retrouve cependant son chien, mais de manière « imagée ». Elle croyait en avoir fini ? Que nenni ! Car, cette fois, elle se retrouvera avec toutes les cartes en main quant à la réalité des choses ou pas : elle devra choisir entre tuer son ancien allié ou pas, dans un monde qui semble extrêmement réel. C’est le « Choix final ».
Du coup, l’épreuve précédente était, encore, une simulation ! (elle jouait un rôle)
Pourtant, même si elle réussit cette épreuve, malgré toute la réalité apparente du module expérimental, elle est « tentée » (la présence du chien dans l’affiche et dans une voiture – i.e. sa nature humaine / animale d’existence « indivivuelle ») résonne comme une sorte d’épée de Damoclès. D’ailleurs, elle sera soumise à la « tentation finale » au travers de son ex-allié : celui-ci a fait le choix de demeurer dans ce module expérimental, d’en « arrêter là », parce qu’il considérait que ce monde était le monde réel. Lui a râté son épreuve.
Notez que le fait que celui-ci n’avait pas de balles dans son pistolet est éloquent : le jeu était biaisé par avance ; tout était mis en œuvre pour que, si Ash réussissait son épreuve, son intégrité était conservée (elle ne mourrait pas même si elle se croyait en péril, puisque braquée).
Ash la réussit et se rend compte que, même ce monde « ultra-réel » était une simulation finale. Elle peut détruire de manière défintive son « Ombre » ou « Ghost », dans l’opéra, pour accéder à l’Avalon, le Royaume des Héros, le « Royaume du Vrai ». La petite fille sourit car elle « sait » que Ash a enfin réussi l’épreuve finale : le reflet de Ash (de la conscience) peut dès lors se dissoudre puisque le « jeu » est terminé.
Les 4 niveaux de conscience de la réalité, constituée par 4 « degrés » de monde, chacun d’entre eux reliés par des « portes de transfert ».
1er monde : monde en « jaunâtre / noir » - porte : l’entrée dans le jeu Avalon – point d’ancrage pour Ash : son chien.
2ème monde : jeu d’Avalon – porte : l’initiation du Bishop par la réussite de l’épreuve contre le Ghost – point d’ancrage pour Ash : le Bishop, gardien de son initiation.
3ème monde : le module expérimental – porte : l’initiation finale par la destruction du ghost dans l’opéra et la réussite de l’épreuve. – point d’ancrage : le chien n’est qu’une épée de Damoclès que représenterait l’échec et un retour en arrière ; le point d’ancrage est son ex-allié qu’elle doit assassiner et qui essaye de la tenter.
4ème monde : le monde « réel », qui n’est plus une « existence » mais une « connaissance » et un « état de conscience ». La réalité « universelle » n’existe plus, c’est la « fin du jeu ».
Ces 4 « plans de conscience » correspondent à s’y méprendre, dans leur symbolique, aux 4 mondes de la tradition kabbalistique juive : Assiah (le monde « tangible »), Yetzirah (le monde de l’illusion), Briah ou Beriah (le monde de la « pensée », qui est aussi le plus « réel », dans le sens où il est ce sur quoi se fonde l’Univers existant, mais qui est encore une illusion finale) et Atzilouth (le monde des « archétypes » - qui est le miroir ultime de l’Etre-en-soi, la racine des racines, le « véritable monde réel »).
Les 9 sœurs du Royaume d’Avalon sont éloquentes, par ailleurs. Elles me font penser, outre la légende arthurienne, aux 9 muses de la mythologie grecque qui sont les gardiennes d’une « connaissance » spécifique (connaissance au sens large du terme : l’union avec la Vérité).
Mais il s’agit également des 9 sephiroth de l’arbre kabbalistique, dont on retrouve la trace dans Ghost in the Shell, à travers l’arbre alchimique de Raymond Lulle (scène finale du film de Ghost in the Shell).
Bishop, qui est « l’initiateur » de Ash, signifie « l’Evêque », qui offre à Ash l’initiation, avec son « sceptre », à la condition qu’elle « réussisse l’épreuve ».
Notons que le nom de l’héroïne, Ash, est extrêmement éloquent. Il est à double teneur : il signifie, tout d’abord, « cendre », en anglais. Il s’agit donc de la « renaissance » des cendres dont il est question, tel le Phoenix qui s’envole vers la vérité. D’autre part, étant donné la symbolique kabbalistique juive présente dans le film (les 4 mondes), Ash est un terme très intéressant. Il signifie le principe de miroir, notamment dans l’expression « Ehieh asher ehieh » (Je suis celui qui est). Ce miroir n’est autre que tout le principe du film, en tant que la conscience se reflétant… en elle-même. Et dont l’achèvement se trouvera dans « l’ombre » de la fin du film, dans l’opéra, la petite fille, qui n’est autre que le parachèvement du cheminement intérieur de la conscience, à travers les illusions !
D’ailleurs, Ash est constitué de deux des trois lettres mères : Aleph et Shin (l’Air et le Feu), dont la troisième lettre essentielle est l’Eau et qui se trouve être à la fois l’existence elle-même, mais aussi l’Eau primordiale, le « principe initiateur final » - symbolisé par la jeune fille (l’Ombre ou « Ghost ») ; le cheminement de la conscience (Ash) étant la réunion des 4 éléments : Ash (la cendre, la terre, l’origine), puis l’Air (le A dans Ash), le Feu (le Sh, par l’initiation reçue du Bishop) et, enfin, de l’Eau, par l’intermédiaire de la « dissolution finale », au sein de la Mère Primordiale (la petite fille).