eezzy5
Too Many Humans!
Salut tout le monde.
Vous avez peut-être déjà entendu parler de cette dénomination assez ésotérique quelque part, et vous vous demandiez à quoi elle faisait référence.
Et bien la library music (illustration sonore, ou musique de composition, en français), est le terme pour désigner un univers artistique assez obscur et quasiment inconnu du grand public, que je vais, sans prétention, tenter de vous résumer par le biais de ces quelques paragraphes.
Conçue en studio par des compositeurs de l’ombre pour illustrer films, reportages, émissions ou autres spots publicitaires télévisés et radiophoniques, la library music n’est pas un genre en soi, mais plutôt un monde musical bien à part, à travers lequel tous les courants musicaux sont représentés.
Ces bibliothèques sonores ne sont (normalement) pas commercialisées pour l'auditoire public, mais plutôt destinées aux professionnels de l’image et du son, qui y piochent librement les ambiances musicales et les effets sonores désirés, afin de pouvoir sonoriser leurs productions à moindre coût.
Les premières compositions du genre, furent exploitées au temps du cinéma muet.
Jouées directement par des musiciens présents dans les salles de projection, il s’agissait en général d’une suite de morceaux existants compilés et arrangés en fonction des scènes.
Des recueils de partitions illustrant chacun une ambiance bien particulière (appelés: cue sheets) étaient alors spécialement édités à cet effet.
Les premiers disques de Library Music qui firent leur apparition quelques décennies plus tard, sont les héritiers directs de ces "cue sheets" et remplissent exactement la même fonction.
La musique est réalisée dans un cadre contractuel de type "work made for hire" (travail réalisé contre rémunération), et ces compositions sont ensuite revendues à diverses maisons de disques (ou à la ’bibliothèque de sons’), qui a leur tour les cèdent aux producteurs intéressés.
Toujours actif aujourd’hui, le premier label à se lancer dès 1927, est DeWolfe (en Angleterre), mais à partir de la fin des années 50, d'autres vont également suivre la tendance à travers l’Europe, et accompagner l’évolution sonore de la radio et de la télévision.
Ces œuvres sont souvent associés à des maisons de disques plus importantes, à portée de monsieur tout le monde, comme RCA ou CBS, mais d'autres labels plus élitistes comme KPM, Chappell, ou Conroy (en Angleterre), L’Illustration Musicale, Neuilly, Montparnasse 2000, Tele Music, ou Musique Pour l’Image (en France), Selected Sound, ou Coloursound (en Allemagne), Fonit, Cam, ou Gemelli (en Italie), en font leur cheval de bataille, et deviennent les acteurs majeurs entre les années 60 et 70, décennies bénies sur lesquelles il est plutôt intéressant de s'attarder.
A noter que durant la même époque, en dehors de ces quatre nations, on trouvait aussi d'autres compositeurs/musiciens et labels dans d'autres pays, qui ont également été acteurs dans le domaine, comme notamment l'excellent label RKM, ou le talentueux compositeur René Costy, bien de chez nous.
Ces enregistrements sont dans leur immense majorité des instrumentaux, souvent de courte durée, les sons utilisés sont ceux de leur époque, et se montrent bons témoins des tendances musicales en vogue au moment de leur création.
Tout le spectre des genres y est représenté; jazz, soul, funk, rock, pop, orchestrations classiques, expérimentations électroniques, musiques planantes, d'ambiance et psyché, musique concrète, qui vont du simple effet sonore ne durant que quelques secondes, à la plage sophistiquée de 20 minutes.
Qualitativement, cela va du plus anecdotique au plus prétentieux, en passant heureusement par le plus inspiré et intemporel.
Distribuées en très peu d’exemplaires, et uniquement dans le cercle fermé de la production audiovisuelle, ces galettes sont rares par essence, et les conditions de leur production sont en décalage complet avec les disques destinés au grand public.
Un département où les artistes ne subissent pas la pression commerciale du ’hit’ à tout prix, et où leurs contraintes ne sont que temporelles, puisque les maisons de disques n’étaient alors pas aussi obsédées par le marketing et les "groupes phares", laissant ainsi les musiciens travailler en toute liberté, pour donner libre cours à la recherche de nouveaux sons, sans objectif commercial contraignant.
Cet anonymat relatif influe grandement sur la créativité de la majorité d’entre eux, pour qui le studio deviendra un laboratoire d’idées et d'inspirations sans précédents.
Paradoxalement, cette musique "bon marché" n’est pas toujours produite à l’économie, mais au contraire, elle est techniquement irréprochable, par le fait que les musiciens ont à leur disposition des moyens confortables, et des studios bien équipés, et bien que destinée à n’être que fonctionnelle, elle respire l’innovation, la spontanéité et l’envie (certains morceaux feraient pâlir de jalousie les plus grands compositeurs attitrés).
Au bout du compte, ces auteurs de l’avant-garde expérimentale, ne sont pas moins pionniers, ou non moins méritants que les compositeurs du circuit traditionnel, et l’aspect dissimulé de ce microcosme musical rend son exploration encore plus jouissive et fascinante.
Imaginez tout un répertoire de la création musicale du 20è siècle, une manne de compositions en tous genres, émanant de musiciens talentueux et inspirés, distribuée au compte gouttes, et dormant dans les entrepôts d'archives des chaînes de télévision ou de radio...
Des trésors qui ne restèrent plus gardés secrets longtemps, à partir du moment où certains commencèrent à fouiller dans les vieilles caisses pour y puiser l'inspiration sans y laisser des plumes, comme les producteurs de hip hop ou de musiques recomposées (sampling), qui réticents à l'idée de reprendre les rythmiques venant d'artistes notoires, s'avérant au final soit trop couteuses, soit trop conventionnelles, ont préféré se tourner vers ces disques rares et insoupçonnés.
Le vaste répertoire de la library music offre donc un nouveau terrain de jeu aux recycleurs de grooves, avec le double cachet inespéré du vintage et de l’inédit, tout en leur permettant de remettre au gout du jour un patrimoine oublié, et resté jusqu'alors inconnu de la majorité du public.
Une domaine qui commence toutefois à perdre inexorablement son côté énigmatique et élitiste, puisque de nos jours, la toile a permis de faire réémerger cet héritage sonore qui commence à générer toujours plus d'engouement, et parmi les labels connus, rares sont les références qui ne sont pas disponibles sous forme digitale (fût-elles illicites).
Sauf que le collectionneur empli de passion, que l’écoute en ligne aura aiguillé vers les pépites qu'il affectionne, risque en même temps de se sentir quelque peu frustré, lorsqu'il constatera que ces vinyles extrêmement rares et précieux, s’échangent désormais à des prix prohibitifs sur Discogs, Popsike, ou eBay...
Paradoxal, me direz-vous pour des disques édités précisément dans l’optique inverse; être une matière première sonore peu coûteuse!
En ce qui concerne les artistes, vu que la liste serait trop longue à énumérer, j'ai pensé qu'il serait plus judicieux et enrichissant (comme on dit, les images et les sons c'est mieux que les mots), de vous présenter directement leurs œuvres par l'intermédiaire d'une playlist Youtube concoctée par mes soins et assez pléthorique, que voici:
https://www.youtube.com/playlist?list=PLXUDzgMgBje0FVxSP8vz935PUFMd87GoO
Ndr: Loin de moi l'intention de prétendre que ce condensé est totalement du à mon inspiration personnelle, car faire une description concise et en même temps assez détaillée sur ce thème tellement vaste serait pratiquement inconcevable (cela requiert une intarissable source de connaissances, et une mémoire de bibliothécaire sans failles), donc je n'ai aucune appréhension à déclarer que je me suis inspiré de ces trois articles, que je vous invite d'ailleurs à parcourir par vous-mêmes, si votre curiosité vous pousse à explorer le sujet plus en profondeur.
http://odotarchives.blogspot.be/2010/09/la-grande-librairie-petit-parcours.html
http://rubinsteiner.blogspot.be/2013/11/library-music.html
http://www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=2184#haut
Toute une histoire bis de la musique à décrypter et à découvrir, que j'ai pris plaisir à vous présenter, en espérant que vous serez tout aussi comblés de parcourir mon texte (et les articles), et d'écouter ces quelques échantillons de perles oubliées du passé.
Aussi, ne craignez pas de venir en débattre, si le sujet vous intéresse ou que vous êtes curieux d'en savoir plus, vous êtes les bienvenus, car l'apport de vos impressions ou de vos connaissances contribuera certainement à l'enrichir.
Bien à vous.
Vous avez peut-être déjà entendu parler de cette dénomination assez ésotérique quelque part, et vous vous demandiez à quoi elle faisait référence.
Et bien la library music (illustration sonore, ou musique de composition, en français), est le terme pour désigner un univers artistique assez obscur et quasiment inconnu du grand public, que je vais, sans prétention, tenter de vous résumer par le biais de ces quelques paragraphes.
Conçue en studio par des compositeurs de l’ombre pour illustrer films, reportages, émissions ou autres spots publicitaires télévisés et radiophoniques, la library music n’est pas un genre en soi, mais plutôt un monde musical bien à part, à travers lequel tous les courants musicaux sont représentés.
Ces bibliothèques sonores ne sont (normalement) pas commercialisées pour l'auditoire public, mais plutôt destinées aux professionnels de l’image et du son, qui y piochent librement les ambiances musicales et les effets sonores désirés, afin de pouvoir sonoriser leurs productions à moindre coût.
Les premières compositions du genre, furent exploitées au temps du cinéma muet.
Jouées directement par des musiciens présents dans les salles de projection, il s’agissait en général d’une suite de morceaux existants compilés et arrangés en fonction des scènes.
Des recueils de partitions illustrant chacun une ambiance bien particulière (appelés: cue sheets) étaient alors spécialement édités à cet effet.
Les premiers disques de Library Music qui firent leur apparition quelques décennies plus tard, sont les héritiers directs de ces "cue sheets" et remplissent exactement la même fonction.
La musique est réalisée dans un cadre contractuel de type "work made for hire" (travail réalisé contre rémunération), et ces compositions sont ensuite revendues à diverses maisons de disques (ou à la ’bibliothèque de sons’), qui a leur tour les cèdent aux producteurs intéressés.
Toujours actif aujourd’hui, le premier label à se lancer dès 1927, est DeWolfe (en Angleterre), mais à partir de la fin des années 50, d'autres vont également suivre la tendance à travers l’Europe, et accompagner l’évolution sonore de la radio et de la télévision.
Ces œuvres sont souvent associés à des maisons de disques plus importantes, à portée de monsieur tout le monde, comme RCA ou CBS, mais d'autres labels plus élitistes comme KPM, Chappell, ou Conroy (en Angleterre), L’Illustration Musicale, Neuilly, Montparnasse 2000, Tele Music, ou Musique Pour l’Image (en France), Selected Sound, ou Coloursound (en Allemagne), Fonit, Cam, ou Gemelli (en Italie), en font leur cheval de bataille, et deviennent les acteurs majeurs entre les années 60 et 70, décennies bénies sur lesquelles il est plutôt intéressant de s'attarder.
A noter que durant la même époque, en dehors de ces quatre nations, on trouvait aussi d'autres compositeurs/musiciens et labels dans d'autres pays, qui ont également été acteurs dans le domaine, comme notamment l'excellent label RKM, ou le talentueux compositeur René Costy, bien de chez nous.
Ces enregistrements sont dans leur immense majorité des instrumentaux, souvent de courte durée, les sons utilisés sont ceux de leur époque, et se montrent bons témoins des tendances musicales en vogue au moment de leur création.
Tout le spectre des genres y est représenté; jazz, soul, funk, rock, pop, orchestrations classiques, expérimentations électroniques, musiques planantes, d'ambiance et psyché, musique concrète, qui vont du simple effet sonore ne durant que quelques secondes, à la plage sophistiquée de 20 minutes.
Qualitativement, cela va du plus anecdotique au plus prétentieux, en passant heureusement par le plus inspiré et intemporel.
Distribuées en très peu d’exemplaires, et uniquement dans le cercle fermé de la production audiovisuelle, ces galettes sont rares par essence, et les conditions de leur production sont en décalage complet avec les disques destinés au grand public.
Un département où les artistes ne subissent pas la pression commerciale du ’hit’ à tout prix, et où leurs contraintes ne sont que temporelles, puisque les maisons de disques n’étaient alors pas aussi obsédées par le marketing et les "groupes phares", laissant ainsi les musiciens travailler en toute liberté, pour donner libre cours à la recherche de nouveaux sons, sans objectif commercial contraignant.
Cet anonymat relatif influe grandement sur la créativité de la majorité d’entre eux, pour qui le studio deviendra un laboratoire d’idées et d'inspirations sans précédents.
Paradoxalement, cette musique "bon marché" n’est pas toujours produite à l’économie, mais au contraire, elle est techniquement irréprochable, par le fait que les musiciens ont à leur disposition des moyens confortables, et des studios bien équipés, et bien que destinée à n’être que fonctionnelle, elle respire l’innovation, la spontanéité et l’envie (certains morceaux feraient pâlir de jalousie les plus grands compositeurs attitrés).
Au bout du compte, ces auteurs de l’avant-garde expérimentale, ne sont pas moins pionniers, ou non moins méritants que les compositeurs du circuit traditionnel, et l’aspect dissimulé de ce microcosme musical rend son exploration encore plus jouissive et fascinante.
Imaginez tout un répertoire de la création musicale du 20è siècle, une manne de compositions en tous genres, émanant de musiciens talentueux et inspirés, distribuée au compte gouttes, et dormant dans les entrepôts d'archives des chaînes de télévision ou de radio...
Des trésors qui ne restèrent plus gardés secrets longtemps, à partir du moment où certains commencèrent à fouiller dans les vieilles caisses pour y puiser l'inspiration sans y laisser des plumes, comme les producteurs de hip hop ou de musiques recomposées (sampling), qui réticents à l'idée de reprendre les rythmiques venant d'artistes notoires, s'avérant au final soit trop couteuses, soit trop conventionnelles, ont préféré se tourner vers ces disques rares et insoupçonnés.
Le vaste répertoire de la library music offre donc un nouveau terrain de jeu aux recycleurs de grooves, avec le double cachet inespéré du vintage et de l’inédit, tout en leur permettant de remettre au gout du jour un patrimoine oublié, et resté jusqu'alors inconnu de la majorité du public.
Une domaine qui commence toutefois à perdre inexorablement son côté énigmatique et élitiste, puisque de nos jours, la toile a permis de faire réémerger cet héritage sonore qui commence à générer toujours plus d'engouement, et parmi les labels connus, rares sont les références qui ne sont pas disponibles sous forme digitale (fût-elles illicites).
Sauf que le collectionneur empli de passion, que l’écoute en ligne aura aiguillé vers les pépites qu'il affectionne, risque en même temps de se sentir quelque peu frustré, lorsqu'il constatera que ces vinyles extrêmement rares et précieux, s’échangent désormais à des prix prohibitifs sur Discogs, Popsike, ou eBay...
Paradoxal, me direz-vous pour des disques édités précisément dans l’optique inverse; être une matière première sonore peu coûteuse!
En ce qui concerne les artistes, vu que la liste serait trop longue à énumérer, j'ai pensé qu'il serait plus judicieux et enrichissant (comme on dit, les images et les sons c'est mieux que les mots), de vous présenter directement leurs œuvres par l'intermédiaire d'une playlist Youtube concoctée par mes soins et assez pléthorique, que voici:
https://www.youtube.com/playlist?list=PLXUDzgMgBje0FVxSP8vz935PUFMd87GoO
Ndr: Loin de moi l'intention de prétendre que ce condensé est totalement du à mon inspiration personnelle, car faire une description concise et en même temps assez détaillée sur ce thème tellement vaste serait pratiquement inconcevable (cela requiert une intarissable source de connaissances, et une mémoire de bibliothécaire sans failles), donc je n'ai aucune appréhension à déclarer que je me suis inspiré de ces trois articles, que je vous invite d'ailleurs à parcourir par vous-mêmes, si votre curiosité vous pousse à explorer le sujet plus en profondeur.
http://odotarchives.blogspot.be/2010/09/la-grande-librairie-petit-parcours.html
http://rubinsteiner.blogspot.be/2013/11/library-music.html
http://www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=2184#haut
Toute une histoire bis de la musique à décrypter et à découvrir, que j'ai pris plaisir à vous présenter, en espérant que vous serez tout aussi comblés de parcourir mon texte (et les articles), et d'écouter ces quelques échantillons de perles oubliées du passé.
Aussi, ne craignez pas de venir en débattre, si le sujet vous intéresse ou que vous êtes curieux d'en savoir plus, vous êtes les bienvenus, car l'apport de vos impressions ou de vos connaissances contribuera certainement à l'enrichir.
Bien à vous.