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- [list:2cadef9916]Première partie
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Comme beaucoup de ses collègues de bureau, Jacques Potan profite d’une seconde d’inattention de son supérieur pour consulter sa boîte de messages électroniques. Aujourd’hui, un ami qui s’intéresse particulièrement à la science et son actualité, lui fait part d’un article qu’il a trouvé au hasard de ses recherches sur internet. Jacques sait que son ami ne lui envoie que des articles qui valent le détour, en effet ils ont de nombreuses passions communes. Ce qu’il ne sait pas par contre c’est que cette fois-ci ce qu’il va lire va le troubler.
En effet l’article évoque une théorie selon laquelle le monde ne serait en réalité qu’une représentation informatique dont nous ne ferions partie intégrante. Que les humains ne seraient pas des êtres réels mais des êtres gérés par un programme d’intelligence artificielle. La base de cette théorie étant le manque d’explication scientifique rationnelle à la création de ce Tout qu’est le monde à partir de Rien. Jacques ne peut s’empêcher d’être perplexe quant à la pertinence d’une telle idée puisqu’il se rend compte que ramener Dieu à Rien revient à suivre exactement la même démarche que n’importe quelle autre religion : Expliquer par l’irrationnel ce qui semble inexplicable.
Malgré le recul qu’il prend par rapport à ce message, Jacques se sent curieux, voire satisfait. Sans doute est-ce parce que malgré qu’il aime philosopher il a toujours évité le sujet qu’est l’existence de Dieu, et ce depuis qu’il a grandi dans une famille extrêmement catholique. Cette théorie ne fait que le conforter dans l’idée que l’homme tente de palier d’une manière ou d’une autre à cet énorme manque, et qu’au final, si la forme est bien différente à chaque fois, le fond n’en reste pas moins le même. Pourtant cette fois-ci il se sent plus concerné…
Sans doute est-ce parce que cette fois-ci c’est Dieu que l’on matérialise pour faire de l’homme une simple idée autonome. Pas de dépendance de Dieu ici, il a créé notre environnement mais n’agit sur nous que très indirectement. Il est parmi nous mais toutefois invisible. Perturbé, il va plus loin dans sa réflexion pour finalement se dire que sans le savoir, l’homme a fini par créer Dieu.
Puisque sa curiosité est maintenant éveillée, Jacques décroche le combiné de téléphone et compose le numéro de son ami, Bernard. A peine entend-il « Allô ? » qu’il raccroche presque malgré lui. « Arrête de penser à ça Jacques, c’est bien le moindre de tes soucis ! » Cette pensée lui avait à peine traversé l’esprit que le téléphone sonnait. Il décroche.
- Allô Jacques ? Pourquoi as-tu raccroché ?
- Ah salut Bernard, excuse-moi, je me suis juste trompé de numéro…
- Ah… Et sinon comment vas-tu ?
- Oh tu sais, comme d’habitude, métro-boulot-dodo
- Hé hé, je pense que nous en sommes tous là… Bien qu’actuellement je n’aie plus de boulot.
- Oui, Catherine m’a appris ! Elle m’a dit qu’il y avait eu une restriction de personnel dans ton entreprise ?!
- En réalité c’est la version que j’ai décidé de raconter aux gens, mais à toi je peux te le dire… J’ai été renvoyé parce que j’avais pris la mauvaise habitude de passer plus de temps à écrire pour mon livre qu’à compléter la paperasse qui m’était déléguée…
- Tu ne changeras donc jamais, depuis que je te connais tu passes tout ton temps libre à l’écriture de ce recueil…
- Ce n’est pas un recueil, c’est une encyclopédie !
- Oui, excuse-moi… Mais tu sais, tu ne pourras pas toujours vivre comme ça, ce n’est pas le premier emploi que tu perds à cause de ton désintérêt !
- … Tiens au fait, tu as reçu mon e-mail ?
- Habile changement de sujet, je te reconnais bien là…
- (Rire gêné)
- Oui je l’ai reçu, et comme d’habitude je l’ai lu avec attention
- Eh bien, tu en as pensé quoi ?
- Je t’avouerai que ça ne m’a pas laissé indifférent mais tu sais bien que j’évite les réflexions sur Dieu et sa quintessence…
- Oui, je ne voulais pas ressasser de vieux souvenirs mais j’ai pensé que tu aimerais malgré tout que je te fasse profiter de ma trouvaille.
- Tu as bien fait
- Ah, content que tu le prennes ainsi ! Mais dis, juste une question… Cet article ne t’a pas fait penser à un film culte de notre adolescence ?
Soudain Jacques se rappelle vaguement d’un film qu’ils avaient l’habitude de regarder ensemble avec toujours le même engouement.
- Attends, je l’ai sur le bout de la langue…
- Réfléchis, c’est facile !
- Il y avait des effets spéciaux totalement novateur, un acteur d’une classe inouïe et ils portaient tous des noms bizarres… Allez, c’était quoi encore ?
- L’acteur s’appelait Néo dans le film, ils avaient tous des noms tirés de la mythologie, tu ne vois toujours pas ?
- Eureka ! Mais c’était Matrix évidemment !
- Ah ben voilà, quand tu veux…
- Je me souviens à quel point ce film nous fascinait, on fantasmait sur Trinity, on s’imaginait arriver dans un bâtiment, bourrés d’armes, et tout détruire, puis…
- Oui oui, bien sûr, je me souviens aussi mais ce n’est pas de ça qu’il est question !
- Oui, excuse-moi, mais c’est la nostalgie…
- Ecoute, tu es libre demain soir ?
- Non, désolé j’ai un séminaire à mon boulot… Pourquoi ?
- Et jeudi ça te convient ?
- Oui, mais pour quoi faire ? Tu me sembles bien mystérieux subitement !
- Viens chez moi jeudi à 20h, nous avons à parler !
- De quoi ?
…
- Allô Bernard?!
- Sois là à 20h, à jeudi !