Licenciements abusifs Le Vif/L’Express et remous dans le monde du journalisme

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Carambar

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http://www.lesoir.be/culture/medias/le-vif-l-express-les-2009-01-27-685701.shtml

A la suite du licenciement brutal de quatre journalistes, y compris la
rédactrice en chef, du principal hebdomadaire belge francophone
d'actualité, Le Vif-L'Express (groupe Roularta), une "carte
blanche" (texte ci-dessous) a été rédigée par l'Association des
Journalistes Professionnels et par des professeurs d'université
responsables des principales écoles de journalisme à Bruxelles et en
Wallonie.
La publication de ce texte a été refusée par les deux quotidiens de
référence en Belgique francophone, Le Soir et La Libre Belgique. Les
auteurs de ce textes sont aussi consternés par ce refus que par les
faits qui ont suscité le texte. Contournant ce refus de même engager
le débat, nous avons entrepris de faire circuler ce texte par tous les
moyens disponibles en dehors des médias dont l'auto-censure ne font
que démontrer par l'absurde les constats très inquiétants soulignés
par le texte.
Nous vous invitons à diffuser largement ce texte. Sa circulation
virale démontrera la futilité des efforts de ceux qui pensent qu'il
est encore possible aujourd'hui d'étouffer la circulation d'idées qui
dérangent ceux qui, par ailleurs, se posent en défenseurs d'une
société du dialogue et du débat.

François HEINDERYCKX,
Professeur ordinaire
Dépt des sciences de l'information et de la communication
Université Libre de Bruxelles (ULB)
E-mail: francois.heindery...@ulb.ac.be
http://homepages.ulb.ac.be/~fheinder
_______________________________________________________________________________________________
Voici la carte blanche rédigée par l'Association des Journalistes
Professionnels et des professeurs d'université à propos du conflit au
"Vif" et refusée par Le Soir et la Libre Belgique.

Un journalisme mis au pas

Le brutal licenciement signifié sans motif, le jeudi 22 janvier, à
quatre journalistes chevronnées de l’hebdomadaire Le Vif /L’Express
n’est pas qu’une péripétie douloureuse au sein d’une grande
entreprise, comme il s’en déroule hélas chaque jour dans le pays. La
mise à l’écart de collaboratrices qui comptent jusqu’à vingt ans
d’ancienneté au sein du magazine, et qui en ont forgé les valeurs
autant que la réputation, relève en l’occurrence d’une épuration dont
les intentions manifestes sont inquiétantes pour la liberté
rédactionnelle du Vif en particulier et pour le journalisme en général.

Le directeur du Vif/L’Express, qui s’était déjà signalé antérieurement
à Trends/Tendances par une propension à distribuer des C4, et qui en
est, au Vif, à 6 licenciements, 2 départs et 2 déplacements imposés,
l’a précisé lui-même : aucune raison économique ne l’a poussé à
congédier la rédactrice en chef et 3 rédactrices spécialisées l’une en
politique intérieure, l’autre en sciences, la troisième en culture.
Invoquant des relations dégradées entre l’équipe de rédaction et la
rédactrice en chef, la direction – qui n’a pas réussi à résoudre ces
problèmes – a choisi la manière la plus radicale d’y mettre fin. Le
prétexte est non seulement léger mais, en outre, il ne concerne pas
toutes les journalistes concernées.
La valse des licenciements, entamée au Vif voici bientôt trois ans,
traduit en réalité une obsession constante : mettre au pas la
rédaction du premier magazine d’information générale de la Communauté
française, qui avait précisément fondé sa crédibilité sur une totale
indépendance d’analyse et de jugement, tant à l’ égard de ses propres
actionnaires – le groupe flamand Roularta– que vis-à-vis des
différents pouvoirs, politiques comme économiques, de la société belge.

Durant plus de deux décennies, Le Vif/L’Express a pu défendre un
journalisme exigeant, soucieux d’abord de la pertinence et de
l’utilité, pour ses lecteurs, des sujets qu’il abordait. Au nom de
cette éthique, il pouvait parfois estimer nécessaire de fâcher un
annonceur, de heurter un ministre ou de consacrer une couverture à un
thème moins vendeur.
Tout cela n’est plus allé de soi dès l’instant où, inquiétée par une
légère érosion des ventes, la haute direction de Roularta s’est
laissée convaincre qu’il fallait remplacer les journalistes
expérimentés, couper les têtes qui dépassent, et faire de la docilité
aux impératifs économiques de l’entreprise un credo admissible.

L’éditeur du Vif n’est pas le seul à déposséder ainsi la rédaction de
sa capacité à penser ses priorités et à définir ses champs d’action.
En Belgique comme à l’étranger, trop d’entrepreneurs de presse
choisissent, parfois sous le prétexte des difficultés économiques,
d’appauvrir les contenus, de réduire les effectifs, de se priver de
plumes critiques et d’esprits libres, de mettre au placard des talents
fougueux, et de préférer des chefs et sous-chefs soumis.
Le Vif n’est pas le seul, mais il est l’unique hebdomadaire
d’information générale largement diffusé en Communauté française. Ceux
qui l’épuisent aujourd’hui de l’intérieur portent à cet égard une
responsabilité devant l’ensemble de l’opinion.

A l’inquiétude pour l’avenir de ses journalistes chassés, mais aussi
de ceux qui restent, s’ajoute la stupéfaction face à la brutalité
sociale : convoquées un soir par un SMS sur leur portable, les quatre
licenciées ont été renvoyées sur le champ de grand matin, avec
interdiction formelle de repasser par la rédaction pour emporter des
effets personnels. Deux heures sous surveillance leur ont été
concédées, le samedi suivant, pour cette besogne. De quelle faute
gravissime, de quel délit, ces quatre là étaient-elles donc coupables
pour mériter un tel mépris ? Rien ne justifie une telle violence dans
les relations sociales, qui en l’occurrence se double d’un réel mépris
pour le droit du travail et contraste avec l’image de la paisible
entreprise familiale qu’aime à se donner Roularta. La réaction de la
Société des Journalistes du Vif – qui observait dès jeudi un arrêt de
travail - comme le soutien inconditionnel de l’Association des
Journalistes Professionnels et des syndicats, indiquent que la limite
de l’acceptable a été franchie.

La crise financière, la chute des revenus publicitaires, la
diversification technologique des médias et les investissements
qu’elle réclame ne pourront jamais justifier à nos yeux que le
journalisme soit réduit à sa seule valeur économique, que les
journalistes ne soient plus les chiens de garde de la démocratie mais
seulement des petits soldats zélés chargés de vendre des contenus
formatés pour les impératifs commerciaux à court terme.
Nous avons besoin de rédactions expérimentées, en effectif suffisant,
libres et indépendantes. Comme nous avons davantage besoin de matière
grise, d’expertise, de culture et de réflexion journalistique étayée
que de mise en scène spectaculaire de papiers vulgarisés à l’extrême
pour plaire au plus grand nombre. Les comportements de certains
managers et les plans d’économie concoctés au nord comme au sud du
pays ne vont pas dans ce sens. Maintenons à nos médias leurs capacités
intellectuelles : respectons les journalistes !

- Martine Simonis, Secrétaire Nationale de l'Association des
Journalistes Professionnels
- Pascal Durand, Professeur ordinaire à l'ULg
- Benoit Grevisse, directeur de l'école de journalisme de Louvain (UCL)
- François Heinderyckx, Professeur ordinaire à l'ULB
- Claude Javeau, Professeur émérite de l'ULB
- Jean-Jacques Jespers, directeur de l'école universitaire de
journalisme de Bruxelles (ULB)
- Hugues le Paige, journaliste
- Gabriel Ringlet, Professeur émérite de l'UCL
- Marc Sinnaeve, Président du Département journalisme de l'IHECS
 
Que le boss vire des journalistes et en engage d'autre, tant qu'il le fait dans la limite des lois, s'il veut faire des économies c'est son problème. Mais pour y être passé deux ou trois fois, c'est clair que chez Roularta, on rencontre deux ou trois beaux oiseaux et il faut faire gaffe à qui on parle. ;)
 
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