Des membres de Freestyle Fellowship, on le sait, Mikah 9 est le plus "artiste" de tous, le plus barré, le plus sujet à des fulgurances géniales mais aussi à des tentatives complètement ratées (comme son "Work In Progress" sorti en 2003). C’est pour tout cela qu’on l’aime et qu’on attend de lui toujours qu’il sorte LE disque qui prouvera qu’on avait raison de lui témoigner autant d’intérêt. Avant un album qui devrait sortir via nos amis de feu Afterlife Recordz (réputés pour leur sérieux – sic), Mikah accouche d’un nouveau court projet à l’expérimentation affichée.
On connaissait son goût pour le chant, il avait su parsemer ses différents albums et apparitions de couplets fredonnés qui, puisqu’ils étaient dilués parmi des titres rappés, passaient plus ou moins inaperçus, ou du moins, ne permettaient pas forcément de penser que Mikah se lancerait dans ce genre d’entreprise : un EP totalement chanté. Avec ses penchants free jazz et scat, l’annonce d’un tel projet pouvait être accueilli, si ce n’est avec confiance, mais au moins un réel intérêt.
Et ce n’est qu’une demi-surprise que de constater que c’est finalement dans une voie plus proche de la nu-s(a)oul que du jazz que Mikah s’est engagé. En effet, le Freestyle Fellow a déjà à plusieurs reprises affiché sa facette lover, pas toujours pour le meilleur il faut bien le reconnaître. Mais au moins le EP commence-t-il sur un morceau réussi, l’élégant "Citrus District". Avec son clavier feutré, son refrain accrocheur et l’interprétation réussie de Mikah, on a droit d’entrée de jeu au meilleur titre du disque. Il faudra ensuite attendre "Tabloid" qui, bien que répétitif, réussit à garder captive l’attention de l’auditeur (là où "The People" ne réussissait qu’à l’agacer) grâce notamment à une rythmique tribale et une guitare discrète qui conviennent bien à notre griot urbain. Sur ce titre, le tiers d’Haiku d’Etat a la bonne idée de ne pas forcer sa voix et de nous faire apprécier la douceur naturelle de celle-ci… consigne qu’il n’applique malheureusement pas à "Soiree" (à l’instru plutôt cacophonique).
Et quand il œuvre dans un registre rap ("Me & My Girl"), c’est le Mikah 9 des jours de bad trip qu’on retrouve, la voix morne et le débit plat. On préférera encore le retrouver en romantique nu-soulisant sur "Feel Alive", un rôle qu’il assure finalement avec classe et une certaine réussite, pour peu qu’on ne soit pas complètement allergique au genre.
Mikah 9 n’a donc pas fini de nous surprendre et même si ce EP, court et smooth (pour ne pas dire "mou du cul"), peine à vraiment convaincre, on est au moins rassuré sur un point : il a toujours envie de s’amuser, d’essayer et de creuser les différentes facettes de son art. Espérons que ces "Sessions" seront plus un atelier de travail que la nouvelle voie choisie par son auteur : il serait vraiment criminel de priver le monde de telles qualités de MC.
