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Une pleine page de publicité dans le New York Times : plusieurs poids lourds du numérique, dont Google, Facebook, Twitter, Yahoo! et eBay, se sont associés pour demander aux parlementaires américains de ne pas voter le projet de loi SOPA (Stop Online Piracy Act), un texte qui permettrait notamment le blocage direct des sites suspectés de faciliter le piratage.
Le projet de loi, soutenu par des députés républicains et démocrates, prévoit que des ayants droit puissent demander le filtrage DNS de tout site violant leurs droits. Le filtrage DNS, pour Domain Name Server, consiste à bloquer directement "à la source" l'accès à un site Internet, en empêchant les machines qui aiguillent une requête sur le réseau de trouver un site. Ce type de filtrage est utilisé à grande échelle dans plusieurs pays autoritaires, dont la Chine.
Surtout, avancent les opposants au projet de loi, les conditions à remplir pour obtenir le blocage d'un site sont très simples : quelques liens pointant vers des contenus protégés – y compris à l'insu de l'éditeur du site – pourraient suffire à obtenir son blocage complet.
"BIG CONTENT" CONTRE "BIG BUSINESS"
Avec une unanimité presque totale, les grandes entreprises du Web s'opposent violemment au projet. Elles estiment que le texte vise trop large, menace la libre entreprise et sera un frein à l'innovation. Du côté de la société civile, les associations de défense des consommateurs et les défenseurs des libertés numériques, dont l'Electronic Frontier Foundation, dénoncent également ce projet de loi qui aboutirait à leurs yeux à une censure directe du Web et ne manquerait pas de provoquer de nombreux blocages non intentionnels de sites parfaitement légitimes.
En toile de fond, le débat sur le texte fait partie de la bataille complexe engagée par les grands studios de cinéma, les maisons de disques, les éditeurs de livres et autres entreprises du "big content" (les grandes entreprises qui éditent et vendent des contenus) et les multinationales de l'économie numérique. Les premiers jugent que les seconds tirent parti du téléchargement illégal, qu'il s'agisse des moteurs de recherche ou des fournisseurs d'accès à Internet, et leur demandent de prendre des mesures radicales pour y mettre fin.
Google, Facebook ou les FAI jugent de leur côté qu'ils ne sont pas responsables de l'utilisation qui est faite de leurs services. Depuis les années 1980 et une célèbre décision de la Cour suprême, dans une affaire opposant à l'époque les fabricants de magnétoscopes aux studios de cinéma, les tribunaux américains considèrent qu'une technologie ne peut pas être considérée comme illégale si elle comporte "des utilisations légales substantielles".
ASPHYXIE ÉCONOMIQUE
Or, si la loi était votée, "des services dont la légalité a spécifiquement été prouvée, comme Rapidshare, pourraient être étranglés financièrement par le SOPA. Ils pourraient contester la décision, mais ils n'ont que cinq jours pour le faire (bon courage pour construire un dossier juridique solide dans ce délai)", note l'Electronic Frontier Foundation. Plus qu'un blocage permanent, la procédure permettrait de harceler des sites et de couper leurs sources de financement publicitaire, notent les opposants au projet, ce qui conduirait nécessairement à des abus.
Entendus par une commission législative, les poids lourds du Web ne se sont pas contentés de dire leur refus du projet. Certaines entreprises, comme la plate-forme de microblogging Tumblr, ont mis en place une véritable campagne de lobbying à grande échelle. Après avoir appliqué un marqueur noir sur son interface de gestion, pour symboliser la "censure" qu'introduirait le projet de loi, Tumblr a mis en place une plate-forme d'appel en VOIP pour inciter les internautes à téléphoner à leurs députés et leur demander de votre contre cette loi et un autre texte proche. Mercredi, l'entreprise se félicitait que sa plate-forme ait atteint les 3,6 appels... par seconde.
Source LeMonde.
Ça pourrait faire très mal.