Un ouragan est passé près de chez nous
Laurence Dardenne
Mis en ligne le 12/10/2005
- - - - - - - - - - -
Il n'aura duré que quelques heures, mais il se situait à environ 500 km des côtes du Portugal.
Un phénomène de ce type n'a, semble-t-il, jamais été observé par les satellites. S'il venait à se répéter, il y aurait lieu de s'inquiéter.
Autant les températures plus qu'agréables de cet été indien n'ont rien d'exceptionnel, selon Marc Vandiepenbeeck, de l'Institut royal météorologique de Belgique, autant l'ouragan qui s'est développé, quelques heures durant, mardi, au large du détroit de Gibraltar, constitue, lui, une véritable «bombe météorologique».
Pas assez d'énergie
Certes, l'ouragan n'était «que» de catégorie 1, certes encore, il n'a vécu que quelques heures. Il n'empêche que le phénomène demeure tout à fait exceptionnel à cet endroit, en l'occurrence de 400 à 500 km des côtes du Portugal, et jamais observé jusqu'ici. «S'il s'est rapidement mué en tempête tropicale, c'est qu'il n'y a pas suffisamment d'énergie sur l'océan Atlantique, à cette latitude, pour qu'il s'auto-alimente et qu'il devienne destructeur, nous explique Marc Vandiepenbeeck, il n'aurait donc pas pu toucher l'Europe.»
Pour qu'un ouragan se développe, il faut que certaines conditions soient réunies. L'ouragan résulte d'une instabilité thermique et d'une alimentation en énergie par évaporation de l'océan. Pour atteindre le stade d'ouragan, il faut que la température de la mer soit égale ou supérieure à 26° sur une certaine épaisseur. Or, ici, on se trouvait juste à la limite là où l'ouragan s'est formé.
«Le fait que cet ouragan se soit développé un peu en dessous de 35° de latitude nord, c'est-à-dire fort haut, est assez remarquable et suppose que l'océan a dû être assez chaud à un moment donné, nous explique encore le climatologue, normalement, l'anticyclone (NdlR: air qui descend et qui est stable) des Acores fait couvercle à tout développement de dépression (NdlR: air qui monte et qui est instable) et de zones instables. Si l'anticyclone est présent en permanence, on n'a automatiquement pas de chance de développement de dépression et encore moins d'ouragan dans cette zone. Sans doute l'anticyclone s'était-il un peu retiré sur l'Atlantique, ce qui a permis cette situation à la fin de l'été.»
Dire qu'aucun ouragan ne s'est jamais formé dans ces zones est sans doute excessif, mais on peut affirmer que l'on n'en a encore jamais observé dans les parages aussi proches de nos côtes européennes, depuis que des satellites permettent de détecter de façon relativement sûre et précise ce type de phénomène.
De quoi s'inquiéter?
A la question incontournable de savoir s'il existe un lien avec le réchauffement climatique, Marc Vandiepenbeeck est nettement moins catégorique: «Je pense que c'est plus exactement l'absence de l'anticyclone et la chaleur de l'eau de mer qui en sont à l'origine.» Quant à savoir s'il y a lieu de s'inquiéter pour l'avenir, «il est très difficile de se prononcer sur un seul cas. Cela dit, il est certain que si l'anticyclone des Acores venait à prendre d'autres quartiers, suite au changement de climat, cela pourrait effectivement devenir inquiétant. Il faudrait donc attendre la survenue d'autres cas pour se poser certaines questions».
© La Libre Belgique 2005