Sans cesse brandie depuis deux décennies, l'attaque israélienne des sites nucléaires iraniens a fini par avoir lieu. Ce vendredi 13 juin 2025, à 2 h 58, l'armée de l'air israélienne a mené sa plus vaste attaque de l'histoire contre la République islamique d'Iran. Près de 200 avions de chasse ont frappé quelque 100 cibles sur le territoire iranien appartenant au programme nucléaire ainsi qu'à ses forces armées. En outre, Tsahal a également visé plusieurs bâtiments résidentiels à Téhéran, décapitant la chaîne de commandement militaire du pays, tels le commandant des gardiens de la Révolution, Hossein Salami, le chef d'état-major des forces armées iraniennes, le général Mohammad Bagheri, et Ali Shamkhani, le conseiller militaire du guide suprême.
Encore marqué par les bombardements qui continuent de frapper la capitale iranienne, un opposant de premier plan au régime iranien livre ses premiers sentiments au Point. Pour des raisons de sécurité, alors que la guerre a officiellement éclaté entre l'Iran et Israël, il préfère conserver l'anonymat pour livrer le fond de sa pensée et éviter les représailles.
Le Point : Comment allez-vous ?
Opposant iranien :Ça va, merci. Je suis un peu secoué. Ma maison se trouve près de l'une des cibles à Téhéran. C'était très puissant, mais c'est la guerre. Comme la majorité des Iraniens, j'ai peur et je suis inquiet. Mais, en même temps, je suis aussi heureux.
Pourquoi êtes-vous heureux ?
Je suis stressé en raison de la guerre qui a éclaté. Un conflit n'est bon pour personne. C'est une alternative qui terrifie la population alors que notre société est déjà blessée et que cela ne fait qu'accroître la tension qui pèse sur elle. Maintenant, je suis heureux car les responsables qui ont été tués ont joué un rôle majeur dans la répression de la population, notamment des manifestants. Il s'agissait des ennemis de l'Iran et de son peuple. C'est aujourd'hui ce que ressent la majorité de la société en parallèle du stress et de l'inquiétude.
Ne craignez-vous pas que la République islamique accentue encore davantage la répression populaire après ces attaques ?
Non, la capacité de la République islamique à réprimer a fondu comme neige au soleil, car, lorsque ses forces répressives voient qu'elles ne sont pas en mesure de protéger ses plus hauts responsables, elles se rendent compte qu'elles sont elles aussi en danger. Et l'apparition de ce doute chez elles a pour conséquence sa moindre participation à la répression. Vous savez, il y a beaucoup de dissensions au sein du pouvoir. Les ruptures qui ont conduit ces forces à se séparer du gouvernement sont très importantes, et il faut y ajouter, bien sûr, le courage du peuple. Cela constitue une impasse qui peut amener la population à se soulever, ce qui fait peur au pouvoir et le conduit à faire très attention dans son comportement.
Qui est, d'après vous, le responsable de la situation actuelle ?
Écoutez, je parle depuis hier soir à beaucoup de gens autour de moi et tout le monde estime que le coupable est la République islamique. Peut-être qu'une part de la propagande du régime est à l'œuvre sur les réseaux sociaux, mais la réalité est qu'une grande partie de la société accuse la République islamique de ce qui arrive. La majorité des Iraniens estime que ce qui a provoqué cette guerre est le comportement du pouvoir, les excès de Khamenei et de l'ensemble de la République islamique.
Quel est votre propre regard sur l'action d'Israël ?
Israël, comme tous les pays du monde, agit selon ses propres intérêts et sa sécurité nationale, ainsi que celle de sa population. De la même façon, pour nous, opposants et peuple iranien, notre intérêt national devrait être notre priorité. En ce qui concerne le peuple iranien, je n'observe pas de regard hostile vis-à-vis d'Israël. Au contraire, il semble heureux qu'une personne puissante ait réussi à tenir tête aux intimidations du pouvoir. En revanche, je ne perçois pas chez lui un sentiment que l'État d'Israël est leur sauveur, car, au final, c'est la volonté du peuple qui provoquera un changement en Iran. Rien d'autre.
La population iranienne est-elle sensible à la situation dramatique de la population palestinienne à Gaza ?
En ce qui me concerne, moi qui possède un regard politique sur la situation, je peux vous dire que ce qui arrive là-bas est avant tout dû à l'action du Hamas et de la République islamique. En réalité, la population et les enfants de Gaza sont les victimes de ces sales politiques dont ils n'ont malheureusement aucune idée.
Les frappes israéliennes sur l'Iran peuvent-elles, selon vous, inciter la population iranienne à descendre dans la rue ?
Cette éventualité existe. Tout est possible dans la situation actuelle.