Des diplômes pas toujours équivalents Les cours dits du soir offrent-ils le même diplôme que les études de jour? L'important, ce sont les compétences Les préjugés sont tenaces Neuf diplômes
MATRICHE,JOEL
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Samedi 13 octobre 2001
Des diplômes pas toujours équivalents Les cours dits du soir offrent-ils le même diplôme que les études de jour? JOËL MATRICHE
Attention: seuls quelques diplômes de promotion sociale équivalent à ceux décernés en plein exercice.
Plus de 160 écoles de promotion sociale dispensent en Communauté française formations et cours d'une incroyable diversité. Mais le diplôme qui les conclut a-t-il la même valeur qu'un diplôme de plein exercice ? L'employeur réservera-t-il la même attention au candidat issu de la filière promotion sociale qu'à celui qui termine une formation de plein exercice? En d'autres termes, celui qui, pendant trois ou quatre ans, passe toutes ses soirées dans une salle de classes sera-t-il récompensé de la même manière que celui qui a choisi de faire les mêmes études à la lumière du jour?
Pas forcément, répond en substance Pierre Pluymackers, responsable du Service d'information sur les études et les professions (Siep) de Bruxelles. Seuls quelques diplômes de promotion sociale, qualifiés de «correspondants», équivalent à ceux décernés dans un enseignement supérieur de plein exercice (voir tableau).
Sur le marché du travail, ces diplômes ont théoriquement la même valeur, précise Pierre Pluymackers. La grande différence est que, dans l'enseignement de promotion sociale, certains cours généraux sont supprimés pour alléger l'horaire. Mais on peut supposer qu'un recruteur potentiel sera principalement attiré par les compétences et les aptitudes professionnelles du candidat, et celles-ci ne dépendent pas du type d'enseignement choisi.
Une équivalence
de compétences
De la même façon, les diplômes correspondants précités sont des sésames pour l'université: celui qui a obtenu un titre d'ingénieur industriel en promotion sociale peut directement accéder au second cycle (3 années d'université) d'ingénieur civil, sans qu'une année préparatoire lui soit imposée.
Pourquoi, alors que des dizaines sinon des centaines de formations sont dispensées sous la bannière de la promotion sociale, les diplômes «correspondants» sont-ils si rares? Parce que la procédure est longue et nécessite une adaptation des programmes , résume Pierre Pluymackers. Plus précisément, un groupe de travail se charge de la constitution du dossier et le soumet à la commission de concertation de l'enseignement de promotion sociale. Si celle-ci donne son aval, ce même dossier tombe aux mains de l'enseignement de plein exercice, à charge pour lui de vérifier que, de part et d'autre, il y a bien une équivalence des compétences.
En résumé, seules quelques formations de promotion sociale sont sanctionnées par un diplôme correspondant à celui du plein exercice. Ce qui, bien sûr, ne signifie pas que les autres documents ne valent que leur poids de papier: les employeurs ont tendance à donner la priorité aux compétences.
L'important, ce sont les compétences
Diplômes équivalents, c'est vite dit. Mais qu'en pensent les employeurs? Lorsqu'ils reçoivent un CV, accordent-ils réellement la même valeur à celui qui a décroché son diplôme «en soirée» qu'à celui qui a suivi avec assiduité un enseignement de plein exercice? Au centre hospitalier de la Citadelle (Liège), un des plus grands établissements de ce type en Communauté française - il compte pas moins de mille infirmières -, on se flatte de mettre ces deux diplômes sur un pied d'égalité. Les infirmières et infirmiers sont embauchés à l'issue d'un stage ou d'entretiens , précise André Lovinfosse, directeur du département «infirmiers et paramédical». Si elle est retenue, la personne bénéficie d'un contrat à durée indéterminée, quelle que soit la filière choisie pour obtenir son diplôme. Et de confier qu'au sein de l'hôpital (3.200 équivalents y travaillent), nombreuses sont les infirmières qui ont suivi un graduat en horaire décalé. Il n'y a d'ailleurs pas de différence statutaire entre les deux profils. Mais attention, nuance-t-il, le danger peut survenir d'où on ne l'attend pas. Non qu'une formation soit meilleure qu'une autre mais parce qu'en fin de compte, plus que les compétences, c'est le profil de la personne embauchée qui peut faire la différence: A quelques reprises, nous avons eu le cas de personnes déjà actives dans le paramédical, des gardes-malades par exemple, qui voulaient devenir infirmières mais n'ont pas su gérer leurs nouvelles responsabilités. Elles étaient de bonnes exécutantes, mais dans leur nouvel emploi, elles ont eu du mal à prendre des initiatives. Le problème, là, n'est en rien lié à la qualité des études, mais plutôt à la personnalité.
Au sein de Cockerill Sambre, on se refuse tout autant à faire la moindre distinction entre promotion sociale et plein exercice: Au contraire, nous nous efforçons d'encourager ceux qui ont eu le courage de reprendre des études tout en travaillant la journée, insiste Gérald Jacques, directeur des ressources humaines. Je connais plusieurs membres du personnel qui ont repris des études en horaire décalé et qui de cette façon, ont décroché un diplôme d'ingénieur industriel. Dès qu'une place s'est libérée, nous les avons encouragés à se présenter. Une mobilité d'autant plus facile que, reprend Gérald Jacques, le personnel qui entame un cursus en promotion sociale est déjà bien au fait du fonctionnement de l'usine et des spécificités du métier de sidérurgiste. Lorsque le nouveau diplôme est acquis, ces candidats, pourvu qu'ils aient les compétences nécessaires, se retrouvent plutôt en tête de liste pour une nouvelle affectation.
Jo. Ma.
Les préjugés sont tenaces
Audrey Collard
21 ans,
Etudiante en infirmerie
Audrey, candidate infirmière de dernière année au Barbou (Liège), a opté pour l'enseignement de plein exercice: cours le lundi et le vendredi, stage le reste de la semaine et un samedi par mois. Elle se réjouit d'embrayer sur une formation (une année de préparation puis deux années de licence) en éducation sanitaire. L'avantage d'un enseignement de plein exercice? Elle confesse ne s'être pas renseignée. Mais, peuve que certains préjugés ont la vie tenace, elle pense que le diplôme obtenu a plus de poids auprès d'un employeur. Elle craint aussi que dans la filière du soir, certains cours théoriques ne soient pas aussi poussés. Ce qui risque de mettre certains boulots à responsabilités hors de portée du diplômé. Il est bon de le rappeler: quelle que soit la filière suivie, les diplômes d'infirmier et d'infirmière ont la même valeur. Ils permettent, de la même manière, de se faire une place dans un auditoire d'université ou sur le marché du travail. Quoi qu'il en soit, conclut l'étudiante, il y a un manque d'infirmières, chacun a donc sa chance.
Jo. Ma.
Neuf diplômes
Neuf diplômes seulement de l'enseignement supérieur de promotion sociale sont équivalents à des diplômes de l'enseignement supérieur de plein exercice. Six dans l'enseignement de type court et trois dans l'enseignement de type long (ingénieurs). En voici la liste.
*Educateur spécialisé
*Infirmier gradué
*Gradué en chimie industrielle correspondant au graduat en chimie.
*Gradué en électromécanique
*Gradué en électronique correspondant au graduat en électronique appliquée.
*Bibliothécaire-documentaliste gradué correspondant au diplôme de bibliothécaire-documentaliste.
*Ingénieur industriel en chimie
*Ingénieur industriel en électromécanique
*Ingénieur en électricité . Cette option correspond en fait au diplôme ainsi qu'au grade d'ingénieur en électronique.