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Touriste
Quel est le point commun entre le dernier CD de Placebo et celui de Robbie Williams ? Ils sont tous les deux équipés d'un mécanisme de protection censé empêcher les copies illégales. Seul souci : cette protection rend souvent impossible l'écoute d'un CD, acheté en toute légitimité, sur de nombreux autoradios, sur les ordinateurs et sur certaines chaînes hi-fi vendues à bon marché. Sans compter qu'elle empêche dans une large mesure la copie privée, la duplication d'une œuvre musicale ou audiovisuelle au sein du cercle de famille.
Je peux copier un CD pour l'écouter dans ma voiture ou pour le donner à mon petit frère, c'est parfaitement légal, note Mireille Buydens, professeur de droit d'auteur à l'UCL et à l'ULB. Mais il n'y a pas non plus de disposition légale qui interdit a priori aux producteurs de CD de mettre en œuvre ces protections.
Pour informer le client des restrictions à la copie appliquées à un CD, les firmes de disques y apposent un petit logo. Mais c'est largement insuffisant, estime Test-Achats, qui considère le procédé illégal. Si l'on met sur le marché des CD avec un blocage technique sans informer correctement, on trompe le consommateur, ajoute pour sa part Mireille Buydens. On pourrait alors parler d'un vice caché affectant le CD.
Pour empêcher la copie, les fabricants de disques utilisent des techniques coûteuses qui intègrent volontairement quelques erreurs dans la structure du disque. L'écoute sur un lecteur classique ne pose aucun problème. Par contre, le CD sera illisible sur un ordinateur. Beaucoup moins tolérant aux erreurs rencontrées en cours de lecture, le PC refusera tout simplement de jouer le CD ou de le graver.
Du côté des producteurs, on minimise. Il y a entre 4 et 8 plaintes pour 10.000 CD protégés contre la copie, affirme Olivier Maeterlinck, juriste à l'Ifpi Belgique, la fédération des producteurs de disques. Et seule une petite fraction des CD sont protégés car cela fait grimper de 1 % à 5 % le prix de gros.
Mais justement, ce sont les titres les plus vendus que les firmes tentent de protéger. C'est sur le CD de Phil Collins que l'on va trouver le logo, explique un vendeur du rayon « musique » de la FNAC, pas sur le premier album d'un groupe inconnu. Les clients qui ramènent leur CD au magasin ne sont pas rares. C'est souvent parce qu'il n'est pas possible de l'écouter dans la voiture qu'ils sont mécontents.
Mais au-delà de la technologie, le débat est aussi politique. Seule en Europe, la Belgique a conféré un caractère impératif aux exceptions légales au droit d'auteur tel que la copie privée. La loi dit que l'on ne peut pas interdire la copie privée, reconnaît Olivier Maeterlinck. Mais ce n'est en rien un droit du consommateur. Il est donc légitime de protéger nos CD. Car selon l'Ifpi, une certaine forme de copie reste possible malgré les protections. Mais il s'agit d'une copie dont la qualité est sensiblement dégradée par rapport à l'original. Par contre, la copie avec un graveur de CD est impossible.
La Belgique a jusqu'à présent voulu protéger le droit à la copie privée, note un observateur. Au grand dam de l'Ifpi qui pourrait menacer de ne plus investir dans la production musicale belge.
La rémunération sur cette copie privée vient par contre d'être revue sérieusement à la hausse. L'arrêté royal qui fixe les nouvelles dispositions est entré en vigueur au premier mai. Il ajoute à la liste des supports concernés les cédéroms informatiques vierges et augmente sensiblement les tarifs des CD audio et des cassettes vidéo vierges. De nouvelles avancées sont déjà à l'étude, qui concernent cette fois les DVD vierges.
Agoria, qui fédère les entreprises actives dans les nouvelles technologies, estime par ailleurs que la solution réside dans la gestion numérique des droits, permettant de gérer pour chaque œuvre musicale ou audiovisuelle les droits d'utilisation, leur durée et leur coût. Cela permettrait de supprimer certaines compensations financières pour la copie privée qui frappent tout le monde de façon arbitraire, affirme Philippe Geerts, pour Agoria. Mais dans l'attente d'une hypothétique concrétisation de ces promesses technologiques, le CD de Placebo ne devrait pas pouvoir quitter le salon.·
La Vie du net du samedi 10 mai 2003
© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002
Je peux copier un CD pour l'écouter dans ma voiture ou pour le donner à mon petit frère, c'est parfaitement légal, note Mireille Buydens, professeur de droit d'auteur à l'UCL et à l'ULB. Mais il n'y a pas non plus de disposition légale qui interdit a priori aux producteurs de CD de mettre en œuvre ces protections.
Pour informer le client des restrictions à la copie appliquées à un CD, les firmes de disques y apposent un petit logo. Mais c'est largement insuffisant, estime Test-Achats, qui considère le procédé illégal. Si l'on met sur le marché des CD avec un blocage technique sans informer correctement, on trompe le consommateur, ajoute pour sa part Mireille Buydens. On pourrait alors parler d'un vice caché affectant le CD.
Pour empêcher la copie, les fabricants de disques utilisent des techniques coûteuses qui intègrent volontairement quelques erreurs dans la structure du disque. L'écoute sur un lecteur classique ne pose aucun problème. Par contre, le CD sera illisible sur un ordinateur. Beaucoup moins tolérant aux erreurs rencontrées en cours de lecture, le PC refusera tout simplement de jouer le CD ou de le graver.
Du côté des producteurs, on minimise. Il y a entre 4 et 8 plaintes pour 10.000 CD protégés contre la copie, affirme Olivier Maeterlinck, juriste à l'Ifpi Belgique, la fédération des producteurs de disques. Et seule une petite fraction des CD sont protégés car cela fait grimper de 1 % à 5 % le prix de gros.
Mais justement, ce sont les titres les plus vendus que les firmes tentent de protéger. C'est sur le CD de Phil Collins que l'on va trouver le logo, explique un vendeur du rayon « musique » de la FNAC, pas sur le premier album d'un groupe inconnu. Les clients qui ramènent leur CD au magasin ne sont pas rares. C'est souvent parce qu'il n'est pas possible de l'écouter dans la voiture qu'ils sont mécontents.
Mais au-delà de la technologie, le débat est aussi politique. Seule en Europe, la Belgique a conféré un caractère impératif aux exceptions légales au droit d'auteur tel que la copie privée. La loi dit que l'on ne peut pas interdire la copie privée, reconnaît Olivier Maeterlinck. Mais ce n'est en rien un droit du consommateur. Il est donc légitime de protéger nos CD. Car selon l'Ifpi, une certaine forme de copie reste possible malgré les protections. Mais il s'agit d'une copie dont la qualité est sensiblement dégradée par rapport à l'original. Par contre, la copie avec un graveur de CD est impossible.
La Belgique a jusqu'à présent voulu protéger le droit à la copie privée, note un observateur. Au grand dam de l'Ifpi qui pourrait menacer de ne plus investir dans la production musicale belge.
La rémunération sur cette copie privée vient par contre d'être revue sérieusement à la hausse. L'arrêté royal qui fixe les nouvelles dispositions est entré en vigueur au premier mai. Il ajoute à la liste des supports concernés les cédéroms informatiques vierges et augmente sensiblement les tarifs des CD audio et des cassettes vidéo vierges. De nouvelles avancées sont déjà à l'étude, qui concernent cette fois les DVD vierges.
Agoria, qui fédère les entreprises actives dans les nouvelles technologies, estime par ailleurs que la solution réside dans la gestion numérique des droits, permettant de gérer pour chaque œuvre musicale ou audiovisuelle les droits d'utilisation, leur durée et leur coût. Cela permettrait de supprimer certaines compensations financières pour la copie privée qui frappent tout le monde de façon arbitraire, affirme Philippe Geerts, pour Agoria. Mais dans l'attente d'une hypothétique concrétisation de ces promesses technologiques, le CD de Placebo ne devrait pas pouvoir quitter le salon.·
La Vie du net du samedi 10 mai 2003
© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002