buchiste
Chops from Outerspace
jviens de tomber là dessus par hasard, c'est Cuizinier et Teki Latex qui expliquent leur premier album (ceci n'est pas un disque), morceau par morceau, au moment de sa sortie.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien, c'était l'époque où ils faisaient encore du son underground, avant leur excellent 2ème album Batards Sensibles, et surtout avant qu'ils ne donnent leur cul pour faire du fric avec 3615 TTC. Ca m'a fait un petit pincement au coeur de lire ça quand on sait ce qu'ils sont devenus. Dans le même genre mais dans un autre style, c'est comme comparer le Booba de Lunatic et Temps mort avec celui de 0.9.
je pense pas que ça intéressera grand monde, c'est du texte et c'est assez long, mais je vous le mets quand meme, au cas où
source: http://www.90bpm.net/interview/ttc-2002.htm
"Au gré des titres de l’album, TTC évoquent souvenirs, anecdotes et réflexions plus générales. Ils livrent tout un trousseau de clés pour pénétrer leur univers à la fois alambiqué et sincère.
1-Intro :
Petite séquence produite par ex-Flash Gordon et désormais Monsieur Flash. Le breakbeat inédit reconstitué suit l’exemple des disques de battle pour les DJs. Un morceau spécial pour les platines des DJs et la scène.
1bis - Nonscience :
le titre qui balance entre les souvenirs et l’inconscient, entre le pyjama et le glaçon.
C’est un morceau de rap traditionnel dans le sens où c’est de l’égotrip, mais un égotrip un peu particulier à base d’images qui sortent de l’inconscient. On écrit tout ce qui nous passe par la tête, on filtre et on ne garde que les belles phrases.
Tekilatex : “ Le texte fait beaucoup référence à ma jeunesse. Par exemple, l’image du concours de pyjama mental. Quand j’étais petit, vers six ans, je suis parti en classe de neige et c’était la première fois que je quittais mes parents pendant un long moment, une semaine. J’étais complètement déphasé, sur-vénère, je criais tout le temps, je chialais, je pétais un plomb. C’était atroce. Sur le prospectus, le programme indiquait: “Concours de pyjamas, apportez votre plus beau pyjama…” J’ai donc emporté un super pyjama qui déchirait, trop beau, trop chanmé. Le jour dit du concours, personne ne nous a pas prévenus. J’avais donc déjà mis mon pyjama tout pourri, ce n’était pas le bon et bien entendu j’ai perdu le concours. J’avais demandé si je pouvais changer de pyjama au dernier moment et on m’a repondu que non, pas moyen c’est maintenant. J’ai été traumatisé. Et maintenant, les MCs, je veux les traumatiser aussi alors je leur fais des concours de pyjamas mentaux pour les tuer.
Cuizinier : « Pour Tek, c’est beaucoup de trucs de l’enfance; pour moi je pense que c’est aussi notre inconscient qui parle. Je me pose devant une feuille, je ferme les yeux et je parle de ce qui me passe par la tête. Par exemple : un faux MC accroché à une corde les pieds posés sur un glaçon, et au fur et à mesure que le glaçon fond, une strangulation s’effectue. »
La ligne est fine entre l’écriture automatique et chercher tout simplement dans sa tête l’inspiration. Nonscience est plus structuré qu’un freestyle car on ne garde que ce qui est beau. Les limites sont fines entre ce qui vient par l’inspiration et ce qui sort spontanément. La limite de l’expérimentation c’est qu’il faut que ce soit beau et bien tout simplement. Si ça ne claque pas, si cela ne provoque pas une émotion en toi, alors il faut jeter.
2 - (je n’arrive pas à) Danser :
C’est le premier single et on espère un futur tube illustré par le clip réalisé par Kourtrajmé. Le son de Tido est une boucle crade de film porno enregistré directement à la télé. Il y a une bonne ambiance pas uniquement dance-floor, aussi un peu sensuelle ( ! ).
Le refrain t’arrive dans la gueule et tu le retiens hyper facilement, en tout cas l’air en devient presque obsédant ce qui est bien. On se force à faire des refrains. La moitié des titres de l’album n’en ont pas, et quant on en fait autant qu’ils soient bien. Le refrain doit être accrocheur, être dans le thème et l’atmosphère et donner une couleur générale au morceau.
Il y a un décalage entre les refrains très chantés, tres langoureux et le ra p assez épileptique avec des pauses à certains endroits qui créent une véritable rupture au niveau du flow (par exemple dans les solos de Cuizinier). Le rythme a changé cinquante fois dans la phrase, c’est un truc qu’on essaie en ce moment de travailler et cela donne une vraie ambiance un peu bancale et en même temps carrément mortelle.
Pour ce morceau, on avait en tête OUTKAST. On voulait donner une ambiance un peu pimp futuriste, et être vraiment à l’aise sur le micro en étant capable d’aller super vite comme hyper lentement. Il y a plein de pauses qui n’ont pas lieu d’être et qui donne une espèce de rythme à l’intérieur du rythme. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas de morceau sans concept compliqué derrière. Ici, « (je n’arrive pas à) Danser » est un thème précis auquel il fallait se tenir et nous sommes partis sur ce que cela nous évoquait sans souci de coller particulièrement à ce thème.
Pour le clip, on n’avait pas de directives précises. On s’est réuni avec l’équipe de Kourtrajmé afin de penser le truc ensemble avec une seule idée précise d’un grain spécial. On voulait aussi trois ambiances différentes. On voulait avant tout que le clip reflète bien TTC, que ce soit un délire à la fois marrant et qui te foute un peu mal à l’aise, deux émotions contradictoires. Que l’on se dise en voyant le clip « Ahah c’est marrant mais je ne sais pas trop ce qu’ils veulent dire par-là … Mais pourquoi le DJ est un chien… Pourquoi cet homme a une tê'90te sous sa capuche…» On voulait une ambiance un peu sarcastique à la fois étrange, drôle, moqueur ; à la fois pas sûr de soi et orgueilleux, marrant et triste.
3- De pauvres riches :
Le morceau a été enregistré à Londres chez et par Dj Vadim qui est revenu au minimalisme.
Cuizinier sur JLB : « C’est un personnage que j’ai totalement imaginé. Il n’y a rien d’autobiographique, au contraire. C’est peut-être tout ce que je déteste, mais avant tout cela ne fait absolument pas partie de moi. On n’a pas besoin de se plaindre lorsque l’on n’a pas connu le ghetto ; moi j’assume totalement contrairement à JLB et aux autres personnages du morceau. J’ai l’impression d’en voir tout le temps des JLB et de plus en plus depuis que l’on a réalisé ce morceau. »
Tekilatex : « Des filles aux cheveux rouges, on en rencontre tous les jours. Le portrait n’est pas méchant, juste taquin. Les gens qui se la racontent un peu rebelles de la vie et qui voudraient avoir des problèmes parce que c’est cool de se plaindre ; ils ont l’impression qu’ils seront plus hiphop en se plaignant. Je trouve cela indécent lorsque l’on a de la bouffe dans nos assiettes et qu’il y a bien pire. Il y a des gens qui sont véritablement dans la misère alors que nous, TTC, nous avons réussi à faire ce que l’on voulait, réaliser notre rêve et on se rend compte de notre chance. On ne va pas aller s’inventer une vie.
On en arrive à un schéma où les pauvres voudraient bien entendu être riches et les riches fantasment sur les pauvres et leur côté ghetto. Ils culpabilisent et voudraient bien s’identifier à l’imagerie du ghetto. Et pourtant, ils ne sont absolument pas prêts à assumer les conséquences d’être vraiment dans la merde. Certains se disent venir de la rue, mais quelle rue ? Celle du VIIeme arrondissement, devant l’Ecole Militaire ; c’est ça ta rue ? ! ! ! Il faut arrêter de parler de trucs que l’on n’a jamais connus. Pourquoi se la jouer auch et caillera alors que dans la vie, on est sympa ? ! ! !
Le délire Bourgeois-Bohème, c’est avoir le cul entre deux chaises.
C’est un morceau tout simplement sur l’hypocrisie et sur la quête de l’authentique bidon qu’on nous sert et nous vend en opérations marketing. La crédibilité rue (en réalité inconnue) par pure attitude soit-disant hiphop, cela ne sert à rien. Il faut arrêter de s’inventer une histoire alors qu’il y a des gens qui ont vraiment vécu de réels problèmes et qu’ils ont envie de les dire. Il faut être soi-même.
Il y a aussi une vraie dimension d’humour dans la caricature de la glamorisation et l’appréciation sélective des quartiers pauvres, en réalité du snobisme.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien, c'était l'époque où ils faisaient encore du son underground, avant leur excellent 2ème album Batards Sensibles, et surtout avant qu'ils ne donnent leur cul pour faire du fric avec 3615 TTC. Ca m'a fait un petit pincement au coeur de lire ça quand on sait ce qu'ils sont devenus. Dans le même genre mais dans un autre style, c'est comme comparer le Booba de Lunatic et Temps mort avec celui de 0.9.
je pense pas que ça intéressera grand monde, c'est du texte et c'est assez long, mais je vous le mets quand meme, au cas où
source: http://www.90bpm.net/interview/ttc-2002.htm
"Au gré des titres de l’album, TTC évoquent souvenirs, anecdotes et réflexions plus générales. Ils livrent tout un trousseau de clés pour pénétrer leur univers à la fois alambiqué et sincère.
1-Intro :
Petite séquence produite par ex-Flash Gordon et désormais Monsieur Flash. Le breakbeat inédit reconstitué suit l’exemple des disques de battle pour les DJs. Un morceau spécial pour les platines des DJs et la scène.
1bis - Nonscience :
le titre qui balance entre les souvenirs et l’inconscient, entre le pyjama et le glaçon.
C’est un morceau de rap traditionnel dans le sens où c’est de l’égotrip, mais un égotrip un peu particulier à base d’images qui sortent de l’inconscient. On écrit tout ce qui nous passe par la tête, on filtre et on ne garde que les belles phrases.
Tekilatex : “ Le texte fait beaucoup référence à ma jeunesse. Par exemple, l’image du concours de pyjama mental. Quand j’étais petit, vers six ans, je suis parti en classe de neige et c’était la première fois que je quittais mes parents pendant un long moment, une semaine. J’étais complètement déphasé, sur-vénère, je criais tout le temps, je chialais, je pétais un plomb. C’était atroce. Sur le prospectus, le programme indiquait: “Concours de pyjamas, apportez votre plus beau pyjama…” J’ai donc emporté un super pyjama qui déchirait, trop beau, trop chanmé. Le jour dit du concours, personne ne nous a pas prévenus. J’avais donc déjà mis mon pyjama tout pourri, ce n’était pas le bon et bien entendu j’ai perdu le concours. J’avais demandé si je pouvais changer de pyjama au dernier moment et on m’a repondu que non, pas moyen c’est maintenant. J’ai été traumatisé. Et maintenant, les MCs, je veux les traumatiser aussi alors je leur fais des concours de pyjamas mentaux pour les tuer.
Cuizinier : « Pour Tek, c’est beaucoup de trucs de l’enfance; pour moi je pense que c’est aussi notre inconscient qui parle. Je me pose devant une feuille, je ferme les yeux et je parle de ce qui me passe par la tête. Par exemple : un faux MC accroché à une corde les pieds posés sur un glaçon, et au fur et à mesure que le glaçon fond, une strangulation s’effectue. »
La ligne est fine entre l’écriture automatique et chercher tout simplement dans sa tête l’inspiration. Nonscience est plus structuré qu’un freestyle car on ne garde que ce qui est beau. Les limites sont fines entre ce qui vient par l’inspiration et ce qui sort spontanément. La limite de l’expérimentation c’est qu’il faut que ce soit beau et bien tout simplement. Si ça ne claque pas, si cela ne provoque pas une émotion en toi, alors il faut jeter.
2 - (je n’arrive pas à) Danser :
C’est le premier single et on espère un futur tube illustré par le clip réalisé par Kourtrajmé. Le son de Tido est une boucle crade de film porno enregistré directement à la télé. Il y a une bonne ambiance pas uniquement dance-floor, aussi un peu sensuelle ( ! ).
Le refrain t’arrive dans la gueule et tu le retiens hyper facilement, en tout cas l’air en devient presque obsédant ce qui est bien. On se force à faire des refrains. La moitié des titres de l’album n’en ont pas, et quant on en fait autant qu’ils soient bien. Le refrain doit être accrocheur, être dans le thème et l’atmosphère et donner une couleur générale au morceau.
Il y a un décalage entre les refrains très chantés, tres langoureux et le ra p assez épileptique avec des pauses à certains endroits qui créent une véritable rupture au niveau du flow (par exemple dans les solos de Cuizinier). Le rythme a changé cinquante fois dans la phrase, c’est un truc qu’on essaie en ce moment de travailler et cela donne une vraie ambiance un peu bancale et en même temps carrément mortelle.
Pour ce morceau, on avait en tête OUTKAST. On voulait donner une ambiance un peu pimp futuriste, et être vraiment à l’aise sur le micro en étant capable d’aller super vite comme hyper lentement. Il y a plein de pauses qui n’ont pas lieu d’être et qui donne une espèce de rythme à l’intérieur du rythme. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas de morceau sans concept compliqué derrière. Ici, « (je n’arrive pas à) Danser » est un thème précis auquel il fallait se tenir et nous sommes partis sur ce que cela nous évoquait sans souci de coller particulièrement à ce thème.
Pour le clip, on n’avait pas de directives précises. On s’est réuni avec l’équipe de Kourtrajmé afin de penser le truc ensemble avec une seule idée précise d’un grain spécial. On voulait aussi trois ambiances différentes. On voulait avant tout que le clip reflète bien TTC, que ce soit un délire à la fois marrant et qui te foute un peu mal à l’aise, deux émotions contradictoires. Que l’on se dise en voyant le clip « Ahah c’est marrant mais je ne sais pas trop ce qu’ils veulent dire par-là … Mais pourquoi le DJ est un chien… Pourquoi cet homme a une tê'90te sous sa capuche…» On voulait une ambiance un peu sarcastique à la fois étrange, drôle, moqueur ; à la fois pas sûr de soi et orgueilleux, marrant et triste.
3- De pauvres riches :
Le morceau a été enregistré à Londres chez et par Dj Vadim qui est revenu au minimalisme.
Cuizinier sur JLB : « C’est un personnage que j’ai totalement imaginé. Il n’y a rien d’autobiographique, au contraire. C’est peut-être tout ce que je déteste, mais avant tout cela ne fait absolument pas partie de moi. On n’a pas besoin de se plaindre lorsque l’on n’a pas connu le ghetto ; moi j’assume totalement contrairement à JLB et aux autres personnages du morceau. J’ai l’impression d’en voir tout le temps des JLB et de plus en plus depuis que l’on a réalisé ce morceau. »
Tekilatex : « Des filles aux cheveux rouges, on en rencontre tous les jours. Le portrait n’est pas méchant, juste taquin. Les gens qui se la racontent un peu rebelles de la vie et qui voudraient avoir des problèmes parce que c’est cool de se plaindre ; ils ont l’impression qu’ils seront plus hiphop en se plaignant. Je trouve cela indécent lorsque l’on a de la bouffe dans nos assiettes et qu’il y a bien pire. Il y a des gens qui sont véritablement dans la misère alors que nous, TTC, nous avons réussi à faire ce que l’on voulait, réaliser notre rêve et on se rend compte de notre chance. On ne va pas aller s’inventer une vie.
On en arrive à un schéma où les pauvres voudraient bien entendu être riches et les riches fantasment sur les pauvres et leur côté ghetto. Ils culpabilisent et voudraient bien s’identifier à l’imagerie du ghetto. Et pourtant, ils ne sont absolument pas prêts à assumer les conséquences d’être vraiment dans la merde. Certains se disent venir de la rue, mais quelle rue ? Celle du VIIeme arrondissement, devant l’Ecole Militaire ; c’est ça ta rue ? ! ! ! Il faut arrêter de parler de trucs que l’on n’a jamais connus. Pourquoi se la jouer auch et caillera alors que dans la vie, on est sympa ? ! ! !
Le délire Bourgeois-Bohème, c’est avoir le cul entre deux chaises.
C’est un morceau tout simplement sur l’hypocrisie et sur la quête de l’authentique bidon qu’on nous sert et nous vend en opérations marketing. La crédibilité rue (en réalité inconnue) par pure attitude soit-disant hiphop, cela ne sert à rien. Il faut arrêter de s’inventer une histoire alors qu’il y a des gens qui ont vraiment vécu de réels problèmes et qu’ils ont envie de les dire. Il faut être soi-même.
Il y a aussi une vraie dimension d’humour dans la caricature de la glamorisation et l’appréciation sélective des quartiers pauvres, en réalité du snobisme.