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La liberté de manifester sa religion, garantie par la Convention européenne des droits de l'homme, peut faire l'objet de restrictions lorsque ces dernières sont destinées à assurer la sécurité publique, l'ordre ou les droits et libertés d'autrui.
La Cour européenne des droits de l'homme, basée à Strasbourg, a confirmé ce principe mardi 29 juin dans un jugement concernant la Turquie. Elle a rejeté la requête d'une étudiante en médecine, Leyla Sahin, qui contestait l'interdiction faite aux jeunes femmes "ayant la tête couverte" de fréquenter l'université d'Istanbul.
Mlle Sahin assurait que cette mesure, prise par le recteur de l'université, dans une circulaire de février 1998, n'avait pas de base légale. La Cour, au contraire, rappelle que ce texte réglementaire s'appuie sur des dispositions plus anciennes, notamment un règlement ministériel de 1981, qui impose "une tenue vestimentaire simple, sans excès et contemporaine" dans les institutions publiques, ainsi qu'un arrêt de la Cour constitutionnelle de 1991.
Elle ajoute que le recteur d'Istanbul a, en 1984, diffusé une note d'information dans laquelle il demande d'"imaginer une étudiante sage-femme avec un manteau à manches longues qui veut retirer un bébé d'une couveuse". Mlle Sahin savait donc à quoi s'attendre avant de s'inscrire dans cet établissement d'enseignement supérieur.
La plaignante estime que l'interdiction subie lèse gravement sa liberté de manifester sa religion. La Cour lui répond qu'elle garantit en tout cas le principe de la "laïcité", c'est-à-dire la liberté, pour chaque individu, de pratiquer sa religion, "pour autant que ce soit en son for intérieur". De facto, elle garantit aussi le principe de l'"égalité" des citoyens devant la loi, et notamment de l'égalité des sexes. La Cour précise que les principes de laïcité et d'égalité "protègent aussi les individus des pressions extérieures", pouvant être exercées par des fondamentalistes.
"UN BESOIN SOCIAL IMPÉRIEUX"
La Cour ajoute d'ailleurs que, "dans le contexte turc, on ne saurait faire abstraction de l'impact que peut avoir le port de ce symbole, présenté ou perçu comme une obligation religieuse contraignante sur ceux qui ne l'arborent pas". Elle "ne perd pas de vue qu'il existe en Turquie des mouvements politiques extrémistes qui s'efforcent d'imposer à la société tout entière leurs symboles religieux et leur conception de la société". Elle estime donc que l'interdiction de se voiler à l'université répond à "un besoin social impérieux".
La Cour confirme ainsi un principe qu'elle avait esquissé en 2001, lorsqu'elle avait rejeté comme irrecevable la requête de Lucia Dahlab, institutrice dans une école primaire du canton de Genève. Elle avait alors jugé "difficile de concilier le port du foulard avec le message de tolérance, de respect d'autrui et de non-discrimination que, dans une démocratie, tout enseignant doit transmettre à ses élèves".
Strasbourg dispose désormais d'une jurisprudence qui lui permettra de juger plus de deux cents plaintes turques du même type. La France pourra, quant à elle, faire référence à ce jugement, si sa "loi sur le voile", objet ces derniers mois d'une vive polémique, est attaquée devant les tribunaux.
Rafaële Rivais
La Cour européenne des droits de l'homme, basée à Strasbourg, a confirmé ce principe mardi 29 juin dans un jugement concernant la Turquie. Elle a rejeté la requête d'une étudiante en médecine, Leyla Sahin, qui contestait l'interdiction faite aux jeunes femmes "ayant la tête couverte" de fréquenter l'université d'Istanbul.
Mlle Sahin assurait que cette mesure, prise par le recteur de l'université, dans une circulaire de février 1998, n'avait pas de base légale. La Cour, au contraire, rappelle que ce texte réglementaire s'appuie sur des dispositions plus anciennes, notamment un règlement ministériel de 1981, qui impose "une tenue vestimentaire simple, sans excès et contemporaine" dans les institutions publiques, ainsi qu'un arrêt de la Cour constitutionnelle de 1991.
Elle ajoute que le recteur d'Istanbul a, en 1984, diffusé une note d'information dans laquelle il demande d'"imaginer une étudiante sage-femme avec un manteau à manches longues qui veut retirer un bébé d'une couveuse". Mlle Sahin savait donc à quoi s'attendre avant de s'inscrire dans cet établissement d'enseignement supérieur.
La plaignante estime que l'interdiction subie lèse gravement sa liberté de manifester sa religion. La Cour lui répond qu'elle garantit en tout cas le principe de la "laïcité", c'est-à-dire la liberté, pour chaque individu, de pratiquer sa religion, "pour autant que ce soit en son for intérieur". De facto, elle garantit aussi le principe de l'"égalité" des citoyens devant la loi, et notamment de l'égalité des sexes. La Cour précise que les principes de laïcité et d'égalité "protègent aussi les individus des pressions extérieures", pouvant être exercées par des fondamentalistes.
"UN BESOIN SOCIAL IMPÉRIEUX"
La Cour ajoute d'ailleurs que, "dans le contexte turc, on ne saurait faire abstraction de l'impact que peut avoir le port de ce symbole, présenté ou perçu comme une obligation religieuse contraignante sur ceux qui ne l'arborent pas". Elle "ne perd pas de vue qu'il existe en Turquie des mouvements politiques extrémistes qui s'efforcent d'imposer à la société tout entière leurs symboles religieux et leur conception de la société". Elle estime donc que l'interdiction de se voiler à l'université répond à "un besoin social impérieux".
La Cour confirme ainsi un principe qu'elle avait esquissé en 2001, lorsqu'elle avait rejeté comme irrecevable la requête de Lucia Dahlab, institutrice dans une école primaire du canton de Genève. Elle avait alors jugé "difficile de concilier le port du foulard avec le message de tolérance, de respect d'autrui et de non-discrimination que, dans une démocratie, tout enseignant doit transmettre à ses élèves".
Strasbourg dispose désormais d'une jurisprudence qui lui permettra de juger plus de deux cents plaintes turques du même type. La France pourra, quant à elle, faire référence à ce jugement, si sa "loi sur le voile", objet ces derniers mois d'une vive polémique, est attaquée devant les tribunaux.
Rafaële Rivais