Moore : propagande dure, propagande molle

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source: liberation.fr
Evidemment, il faut voir le film de Michael Moore. Les jurés de Cannes l'ont ordonné. Les radios et les journaux le répètent. Jusqu'aux spectateurs américains qui, se déplaçant en masse, font comme une obligation transatlantique de courir dans les salles, ne serait-ce que pour se livrer soi-même au pronostic : alors Bush, s'en remettra, s'en remettra pas ? On y court donc, premier jour, première séance. Et d'abord on n'est pas déçus par les trouvailles promises. Très fort, le son de l'apocalypse du 11 septembre sur un écran noir. Moore parodiant la scène de recrutement par les marines, en tentant lui-même de convaincre les parlementaires d'envoyer leurs enfants en Irak, très fort aussi. Et l'image de Bush au golf, vue douze fois dans les bandes-annonces, on ne s'en lasse pas. Pour ne rien dire du clou du film, les fameuses sept minutes d'hébétude de Bush quand on lui glisse à l'oreille que l'Amérique est attaquée, après le second choc, le matin du 11 septembre. Il est dans une école, en train d'assister à la lecture du livre Mon ami le bouc. En effet, sans rien faire, il laisse passer les minutes. Même si là, la marchandise ne correspond pas tout à fait à la pub : dans «les» fameuses sept minutes, Moore, hélas, a fait du montage, et ne nous livre que quelques secondes. On aurait bien savouré la séquence pendant sept vraies minutes. Accessoirement, on se demande comment Moore s'est procuré toutes ces images non diffusées par la télé, il doit avoir eu un régiment de taupes dans les chaînes américaines. Passons.

Mais après cette première demi-heure, le film s'étire en une poussive démonstration. Que l'équipe Bush ait beaucoup menti pour justifier la guerre d'Irak, on n'a pas attendu Moore pour le savoir. Qu'elle ait profité du 11 septembre pour restreindre les libertés, que Bush n'ait monté cette guerre que pour consolider en Amérique une fragile paix sociale en inventant un ennemi imaginaire orwellien, que la prophétie d'Orwell soit réalisée, que nous soyons à l'ère de la propagande pure ­ très efficace, le montage de Powell, Rice et les autres, retirant leurs oreillettes à la fin de leurs allocutions télévisées : peut-être. Mais tout cela ne fait pas un film.

On suit ces démonstrations avec une bienveillance un peu lasse quand tout d'un coup, dans ce film qui n'en rappelle aucun autre, une séquence rappelle quelque chose. La mère d'un jeune soldat américain lit la dernière lettre reçue de son fils, avant qu'il ne soit tué en Irak. Elle la lit en longueur, des sanglots dans la voix évidemment. Une maman qui lit la dernière lettre de son fils mort, c'est toujours émouvant. Mais le picotement qu'on ressent est familier. C'est le même qui nous assaille, exaspérant, tous les soirs au 20 heures, quand se succèdent les témoignages larmoyants. On connaît bien. Et tout d'un coup cette révélation : Moore se bat aussi avec les armes de l'adversaire. Il fait de l'extorsion d'émotion de bas niveau, comme la télé lacrymale en produit au kilomètre, tous les jours, dans tant de pays.

Et on réalise que le combat de Moore ne peut connaître d'éthique. Il mène une guerre sans conventions de Genève, où tous les coups sont permis, puisque l'adversaire a commencé. Tout fait ventre pour nourrir cette propagande, comme la propagande adverse. Enfin, pas tout à fait. Lui fait de la propagande en sachant parfaitement ce qu'il fait, et en le disant. Il ajuste en sachant qui il veut tuer. Ce n'est pas la même chose qu'en face. C'est même le contraire. Les journalistes des médias dominants, ceux qui reprenaient comme des caniches sans rien vérifier, Amérique oblige, les mensonges de l'administration Bush sur les armes de destruction massive, les «embedded» en battle dress émerveillés de vivre la campagne avec les marines, tous les instrumentistes du grand concert des alertes rouges, des alertes oranges, des stylos piégés et des poudres suspectes, tous ceux-là qui ont décervelé le peuple américain et une partie du monde à propos de la guerre d'Irak, tous ceux-là ont fait de la propagande aussi, mais sans prononcer le mot. Parfois même sans le savoir. Bardés d'alibis impeccablement professionnels : oui nous faisons notre métier de journalistes, et qui osera nous reprocher d'être de surcroît patriotes ?

Propagande dure du franc-tireur contre propagande molle du système. Propagande de combat contre concert d'idiots utiles. Au moins la première, s'affichant comme propagande, laisse-t-elle à ses spectateurs le choix de la réfutation. On peut parfaitement ne pas aller voir le film de Moore. Sachant d'avance ce qu'on va y voir, on est dans la situation la plus propice pour développer ses facultés critiques. Pas un journal, en France par exemple, qui n'ait relevé (à bon droit évidemment) les erreurs factuelles du film. Au contraire, la seconde propagande, celle des médias dominants, ne s'affiche pas. Elle vous enveloppe, elle vous joue du violon, elle chante par mille bouches, ministres, experts, citoyens, journalistes, comme le montre d'ailleurs bien Moore lui-même dans son film, par de savoureux montages. Au total, elle vous circonvient de manière d'autant plus perverse que chacune de ses gouttelettes ne sait pas qu'elle concourt au grand flot de la propagande. Celle-là, les journaux ne la critiquent pas, puisque souvent ils y participent. Propagande dure, propagande molle : être obligé de choisir entre les deux n'est pas la situation la plus réjouissante pour l'intelligence.
Voilà un article très intéressant sur Michael Moore et ses méthodes...
 

PiaFlalCoOl

NiuAge
c vrai que c'est tres interessant et bien écrit.
 

Hanniball

Touriste
Tout à fait d'accord avec cet article.

Moore nous montre ce que les médias n'ont pas "dévoilé", mais il passe des bouts d'interview, il peut donc jouer facilement avec l'interprétation qu'on lui apporte, une interprétation qui n'est pas nécessairement ce que l'"interviewé" a voulu dire.

Je pense qu'il faut juste garder un certain écart et pas se dire "Moore a raison", il faut juste garder son esprit critique. Moore nous propose une sorte de documentaire dont il est le réalisateur, donc il donne ( peut-être que partiellement ou indirectement mais indéniablement (j'abuse sur les -ment là) ) son opinion.

Enfin, j'ai vu Farenheit à l'American Movie Day il y a quelques jours, et ce film était très intéressant, mais j'ai préféré son Bowling for Colombine où il montrait des images cachées sans pour autant défendre ni donner son point de vue. Mais c'est ptet vrai qu'en politique, il est plus difficile de rester neutre (ou en accord avec tout le monde) contrairement à un massacre dans un collège...
 

Sig le Troll

Vî Troll
Il faut garder à l'esprit que Moore ne fait pas un documentaire, même s'il en donne l'apparence, mais un film politiquement engagé (donc son opinion, sa vision des choses quoi).
 

Nicool_

Motherfucker
Très bien écrit cet article ! La conclusion est bien triste, mais c'est la vérité :\
 

Fist

‼️‼️‼️‼️‼️
Sig le Troll a dit:
Il faut garder à l'esprit que Moore ne fait pas un documentaire, même s'il en donne l'apparence, mais un film politiquement engagé (donc son opinion, sa vision des choses quoi).
exactement c avant tout un cineaste, qui sait aussi manipule l image, que libé critique pas ne m etonne ils n ont jamais ete tres fort sur la critique cinematographique :D
 

Elohim

Elite
Fallait quand même le faire,sortir un film critiquant son propre président :? (même si c'est Bush :mrgreen: )
 
1er
OP
S
Bald a dit:
Fallait quand même le faire,sortir un film critiquant son propre président :? (même si c'est Bush :mrgreen: )
Michael Moore est canadien... Un peu comme si moi j'allais m'installer à Paris et j'écrivais un book sur Chirac...
 

Elohim

Elite
Disizzzz a dit:
Bald a dit:
Fallait quand même le faire,sortir un film critiquant son propre président :? (même si c'est Bush :mrgreen: )
Michael Moore est canadien... Un peu comme si moi j'allais m'installer à Paris et j'écrivais un book sur Chirac...
Ahhh oki j'ai rien dit alors :oops:
 

C@n

Elite
j'aime bien :D

Et on réalise que le combat de Moore ne peut connaître d'éthique. Il mène une guerre sans conventions de Genève, où tous les coups sont permis, puisque l'adversaire a commencé.
 
Vraiment bien rédigé et et subjectif =]
Il est évident qu'on a entendu de partout que du bien du film de Moore, mais aucune critique subjective et rationnelle =]
 

Carambar

Elite
C'est une très bonne critique :) . J'adore les gens que savent raisonner sans trop se laisser brouiller les idées par les émotions.
 

Fist

‼️‼️‼️‼️‼️
Disizzzz a dit:
Bald a dit:
Fallait quand même le faire,sortir un film critiquant son propre président :? (même si c'est Bush :mrgreen: )
Michael Moore est canadien... Un peu comme si moi j'allais m'installer à Paris et j'écrivais un book sur Chirac...
mais arrete avec tes conneries, decidement c fou ce que tu peux raconter comme cliché et lieux communs

Code:
Michael Moore est né à Flint dans le Michigan où se trouve une des plus importantes usines General Motors.
Fils d'une secrétaire et d'un ouvrier de chez General Motors à Flint (Michigan), neveu du fondateur du syndicat des travailleurs de l'automobile (UAW), Michael Moore était prédestiné à devenir un "col bleu". Et pourtant à 18 ans, il se fait élire au conseil d'administration de son université, où il devient l'un des plus jeunes américains à accéder à une fonction publique. Il sera le pourfendeur des injustices dont les étudiants sont victimes. C'est l'époque du début de l'invasion des établissements scolaires par le secteur privé.
A part ça il est Canadien hein

t meme pas fichu de verifier tes dires
 
1er
OP
S
J'aurais juré que quand canadian bacon était passé sur canal + il y a quelques années, le magasine de canal avait dit que michael moore était canadien... Désolé de l'erreur, j'avoue ne pas avoir vérifié :-(
 

Osiris

Jovanogoal
Fais gaffe qd même , pcq si tu vérifies pas tes sources , ca pourrait créer des mésentantes entre Gamerziens ( avec raison d'ailleurs :roll: )
 
1er
OP
S
Osiris a dit:
Fais gaffe qd même , pcq si tu vérifies pas tes sources , ca pourrait créer des mésentantes entre Gamerziens ( avec raison d'ailleurs :roll: )
Entièrement d'accord... d'habitude je vérifie, mais là j'étais sûr de l'avoir lu... :oops:
Encore désolé :cry:
 

hehe

PANCAKE !
De toutes façons, même s'il était canadien, je ne vois pas pq il ne pourrait pas critiquer Bush...
 
1er
OP
S
hehe a dit:
De toutes façons, même s'il était canadien, je ne vois pas pq il ne pourrait pas critiquer Bush...
J'ai jamais dit le contraire... Mais je vois pas le mérite en plus de critiquer bush en étant américain non plus...
 

Smart

Touriste
Moore c'est un comique :mrgreen:
Il doit se marrer dans sa tete quand il part interviewer des puissants et leur poser les sales questions sur le port des armes, la délocalisation des emplois, la politique bushienne...

Je vois d'ici la scène "Excusez moi monsieur le directeur, mais vous etes un sale ptit connard qui exploitez les petits chinois pas vrai ? Vos trucs c'est fabriqué en chine nan ? A votre avis qu'en penseraient les américains s'ils l'apprenaient ?"
Qu'est ce que tu veux répondre ? :xmas:
 

zoheir

cvm.mangaleet()
en tout cas ces films-documentaires soulèvent des questions importantes que peu d'américains se posent.
 
Statut
N'est pas ouverte pour d'autres réponses.
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